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Suspension de permis de conduire

A propos de la suspension

La suspension du permis de conduire peut être prononcée par le préfet ou par un juge. Pour le premier, il s’agit de prendre une mesure d’urgence  pour empêcher un conducteur à qui il est reproché une infraction grave de reprendre le volant ou le guidon immédiatement. Cette suspension préfectorale sera précédée d’un avis de rétention du permis de conduire. Selon les procédures, la suspension préfectorale prendra la forme d’un arrêté 3F ou plus rarement d’un arrêté 1F.

Dans les deux cas, la suspension de permis déjà effectuée au titre de la décision préfectorale viendra se défalquer de la suspension prononcée ultérieurement par un juge.

L’arrêté 3F : une décision de suspension dans les 72 ou 120 heures

La notification de l’arrêté de suspension de permis de conduire pourra intervenir plusieurs jours après la fin du délai (de 72 heures ou 120 heures pour des problématique d’alcool ou de stupéfiants) prévu dans le cadre de la procédure de l’avis de rétention. Cette notification pourra être effectuée directement par les agents en convoquant le conducteur, mais dans bien des cas la notification prendra la forme d’un courrier recommandé avec accusé de réception.

Ne pas retirer le recommandé ???

La tentation est grande pour certains de jouer la politique de l’autruche et de choisir de ne pas retirer le pli en agence postale. Certains sites internet ont même été jusqu’à conseiller cette pratique mettant en avant le fait que s’il continuait à conduire, l’automobiliste pourrait invoquer l’irrégularité de la notification en cas de contrôle routier.

Cette pratique n’a bien évidemment pas empêché un certains de conducteurs ayant ignoré l’avis de passage et préféré reprendre le volant d’être convoqués devant les tribunaux correctionnels et d’être condamnés pour conduite malgré suspension.

La position de la Chambre criminelle de la Cour de cassation est pourtant claire depuis 2013 :

«Attendu que, pour rejeter cette argumentation et déclarer le prévenu coupable du délit visé à la prévention, l’arrêt retient que M. X…, qui, à l’issue du délai de soixante-douze heures, n’a pas réclamé la restitution de son permis de conduire comme l’y invitait l’avis de rétention qui lui avait été remis conformément aux dispositions des articles R. 224-1 et R. 224-2 du code de la route, et qui n’a pas retiré la lettre recommandée avec accusé de réception prévue par l’article R. 224-4 du même code, soutient vainement que la mesure de suspension administrative du permis de conduire ne lui a pas été notifiée ; Attendu qu’en l’état de ces motifs, d’où il résulte que la notification de la décision de suspension du permis de conduire, exigée par l’article L. 224-16 du code de la route, a été réalisée, antérieurement au contrôle, par la présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception prévue par l’article R. 224-4 susvisé au domicile de l’intéressé, les griefs allégués au moyen ne sont pas encourus ». (Cour de cassation, chambre criminelle, 4 juin 2013, n° de pourvoi: 12-86877)

Le conducteur qui reprendrait le volant en ignorant un avis de passage… s’expose donc à une condamnation en cas de contrôle routier. On rappellera qu’une condamnation pour conduite malgré suspension entraînera une décision de retrait de 6 points.

La politique de l’autruche n’a ainsi de rien de l’astuce infaillible vantée par certains, au contraire les conducteurs auront tout intérêt à se préoccuper de la question.

A lire sur cette question :

Suspension de permis de conduire : ne pas prendre le courrier recommandé pour reconduire ?

Bien évidemment, même si les cas sont rares il peut arriver qu’aucun arrêté de suspension du permis de conduire n’ait été pris par le Préfet.

Pour s’en assurer, le plus simple, surtout si les faits commencent à dater, sera de se rapprocher de la Préfecture. Si les services préfectoraux confirment une absence d’arrêté, le conducteur pourra demander la restitution de son titre de conduite et aura tout intérêt à le faire. Car si la période de suspension administrative vient se défalquer d’une suspension de permis prononcée par le juge, cela ne sera pas le cas d’une période de privation de permis effectuée hors « cadre légal ».

Par ailleurs, une mesure de suspension administrative est toujours accompagnée d’une visite médicale et, pour les suspensions à partir de 6 mois, de tests psychotechniques. Le conducteur ne pourra récupérer son titre de conduite à l’expiration de la période de suspension administrative que s’il a effectué sa visite médicale et subi les tests psychotechniques.

Certaines préfectures adressent avec l’arrêté de suspension de permis de conduire (formulaire vert 3F) un formulaire de demande de visite médicale. On ne pourra que conseiller aux conducteurs de retourner ce document sans délai. Attention compte tenu de l’engorgement des services, certaines préfectures ne parviennent pas à trouver une date de visite médicale en commission préfectorale  avant plusieurs semaines.

Le conducteur peut également se rendre sur le site internet de sa préfecture. Il pourra soit y prendre rendez-vous (on attirera toujours l’attention des lecteurs sur la question des délais d’obtention de RV) soit retrouver la liste des médecins agréés pour les infractions n’impliquant pas de visite médicale auprès de la commission médicale préfectorale. Le conducteur dont le permis aura été suspendu par le Préfet pourra également télécharger sur le site du Ministère de l’Intérieur le formulaire « Permis de conduire – avis médical » à présenter lors de la visite .

En pratique pour décider de la durée de la suspension de permis de conduire les préfets se réfèrent à une grille. Pour chaque préfecture, un barème fixé par arrêté : par exemple, pour tant de grammes d’alcool, tant de mois, pour telle vitesse, tant de mois. En règle générale, le quantum peut être augmenté en présence de certains facteurs aggravants : précédente invalidation de permis, infraction commise en état de récidive, antécédents, condition de jeune conducteur…

L'arrêté 1F non soumis au délai de 72 ou 120 heures

Dans l’immense majorité des cas, la procédure utilisée sera celle enfermant le préfet dans le délai de 72 ou 120 heures. Plus rarement, le préfet aura recours à la procédure prévue par les dispositions de l’article L. 224-7 du Code de la route.

Cette procédure est, en pratique, utilisée lorsque les circonstances n’ont pas permis la prise d’un arrêté de suspension dans le délai des 72 ou 120 heures de l’avis de rétention. A titre d’exemple, les procédures faisant appel à des analyses sanguines pour des chefs de prévention de conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou de conduite après usage de stupéfiants ne permettent pas toujours la  prise d’un arrêté dans les délais. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ a été introduit un délai allongé de 120 heures en matière de stupéfiants ou d’alcool au volant. La remise des résultats toxicologiques ne pouvant, parfois, être transmis aux services préfectoraux à temps, la procédure 3F ne peut plus être mise en œuvre. Le préfet s’il souhaite suspendre le permis de conduire du présumé fautif devra, dès lors, avoir recours à la procédure de droit commun qui ne l’enferme pas dans le délai de 72 ou 120 heures. Le conducteur se verra, dans cette hypothèse, notifier un arrêté de suspension de permis de conduire matérialisé par un formulaire 1F.

Cet arrêté pris sur le fondement de l’article L. 224-7 du Code de la route est soumis à la procédure contradictoire prévue par la loi du 12 avril 2000. Il ressort des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations: « exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1 et 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L’autorité administrative n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique… ».

La suspension préfectorale se déduit de la suspension judiciaire

La suspension préfectorale n’est juridiquement qu’une mesure de police administrative et non une peine. La suspension préfectorale ne constitue, en réalité, qu’un « prélude » aux poursuites judiciaires. L’infraction au titre de laquelle une suspension aura été prononcée donnera lieu à traitement judiciaire sous une forme ou une autre. En d’autres termes, cette infraction sera portée à la connaissance d’un juge qui après avoir déclaré coupable le prévenu prononcera une condamnation. Le conducteur pourra, ainsi, être condamné à différentes peines dont une peine de suspension de permis de conduire.

De cette peine de suspension, le bureau d’exécution des peines du tribunal déduira la période de privation de permis de conduire déjà effectuée au titre de la suspension administrative.

Attention, la déduction ne portera que sur la durée prévue par l’arrêté de suspension administrative.

NB : la suspension administrative ne se déduit que d’une peine de suspension du permis de conduire. En cas d’annulation judiciaire du permis de conduire, le tribunal peut assortir la peine d’annulation d’une période d’interdiction de solliciter un nouveau titre. La période de privation de permis de conduire effectuée dans le cadre de la suspension administrative ne viendra pas se déduire de la période d’interdiction.

Conduire avec un EAD, un Ethylotest anti-démarrage électronique

Le Préfet peut permettre aux conducteurs de conduire malgré la mesure de privation de permis en ayant recours à un dispositif d’éthylotest électronique anti-démarrage. Attention, cette possibilité n’est pas systématiquement accordée, elle ne le sera que pour les conducteurs n’ayant pas d’antécédent et pour lesquels le taux d’alcool mesuré par les Forces de l’ordre ne dépasserait pas un seuil prédéfini.

Attention, l’EAD devra être installé par un centre habilité et le coût (entre 1000 et 1200 euros sera à la charge du conducteur).

Si le préfet permet la conduite avec EAD la durée de la mesure pourra alors être portée à un an (depuis le Décret n° 2020-605 du 18 mai 2020 portant diverses dispositions en matière de sécurité routière).

Au moment d’examiner l’infraction ayant entraîné la pose de l’EAD, le tribunal pourra s’il le souhaite maintenir cette mesure.

Pour aller plus loin : retrouvez les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall pour LCI