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Conduite en état d'ivresse manifeste

A propos de la conduite en état d'ivresse manifeste

En matière d’alcool au volant, la première question réside bien souvent dans le taux relevé à l’encontre du conducteur. Et cette question est loin d’être anodine, car le taux peut révéler la présence d’alcool dans le sang inférieure au seuil contraventionnel, une présence correspondant à une contravention de 4ème classe, ou dans le pire des cas un taux délictuel.

Mais le taux d’alcool n’est pas le seul élément pouvant permettre l’engagement de poursuites à l’encontre du conducteur en matière d’alcool au volant.

En effet, l’article L.234-1 du Code de la route prévoit que « le fait de conduire un véhicule en état d’ivresse manifeste est puni des mêmes peines » que celles prévues pour le délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.

Le Code de la route demeure laconique sur ce délit, puisqu’il ne définit pas clairement ce qu’est l’ivresse manifeste. Cette absence de précision n’a, d’ailleurs, pas manqué d’être critiquée notamment par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’environ cohabitant mal, en matière pénale, avec les exigences de l’interprétation stricte de la loi. Mais la question n’a pas passé le filtre de la Cour de cassation qui a expliqué dans une décision de 2010 « qu’ attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux au regard du principe constitutionnel des droits de la défense, dès lors que la preuve contraire de la constatation de l’état d’ivresse manifeste par un officier ou agent de police judiciaire peut être rapportée par le prévenu ; D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel » ( Cass.Crim., 16 juillet 2010, n° de pourvoi: 10-90080).

 

On se référera, donc, à la pratique et à la jurisprudence pour comprendre ce qu’est la conduite en état d’ivresse manifeste.

Pour entrer en voie de condamnation, les juges vont s’appuyer sur les constatations opérées par les agents des Forces de l’Ordre. Ces constations peuvent apparaître dès le stade de la constatation de l’infraction. Par exemple, des agents verbalisent un conducteur pour non-respect d’un feu rouge et s’aperçoivent à cette occasion de l’état du conducteur. Les constatations des agents vont, alors, souvent reprendre des termes génériques (parfois peu pertinents) comme : « tient des propos incohérents », « odeur de l’haleine : sent l’alcool », « titube »…

Ces constations pourront être retrouvées sur la Fiche A.

Cette fiche comporte tout une série de qualificatifs qui seront pour certains cochés par les agents.

Fiche « A » - Vérifications concernant l'alcoolémie

Aspect général extérieur :
Constitution physique : corpulent/ mince/ moyen
Lésions : indemne/ contusions/ blessures
Visage : normal/ congestionné/ pâle/ en sueur
Allure : bien éveillé/ somnolent/ abattu/ tremblant/ hoquets/ vomissements/ présence déjections /vêtements désordonnés/ vêtements ordonnés

Aspects particuliers
Attitude : maître de soi/ énervé / arrogant/ agressif
Regard : normal/ anormal/ yeux voilés / yeux brillants
Odeur de l’haleine : sentant l’alcool/ indéterminée
Elocution : normale/ pâteuse/ bégayante/ ne parle pas
Explications : nettes/ embrouillées/ incohérentes/ répétitives/ ne parle pas
Equilibre : tient debout/ titube

En résumé l’individu semble : ne pas être sous l’influence de l’alcool/ être sous l’emprise d’un état alcoolique léger/ être sous l’emprise d’un état alcoolique important/ être en état d’ivresse

Les juges pourront s’appuyer sur ces différents qualificatifs pour constater l’état d’ivresse manifeste. (Pour un exemple, voir: Cour d’appel de Toulouse, 13 mai 2008, n° de RG: 07/01726 : « Les policiers, qui ont procédé au contrôle, ont constaté que l’intéressé titubait, qu’il tenait des propos incohérents et que son haleine sentait fortement l’alcool. L’état d’ivresse manifeste n’est donc pas contestable et la conduite en état d’ivresse manifeste est caractérisée. » )

Pour autant, le fait que les procès-verbaux, ou la fiche A, laissent apparaître tel ou tel signe ne doit pas conduire systématiquement un juge à entrer en voie de condamnation. C’est ce que montre, par exemple, un arrêt de la Cour d’appel de Pau de 2007.

« Le Ministère Public ayant requis la requalification en conduite en état d’ivresse manifeste, la Cour doit rechercher si les éléments constitutifs de ce délit sont réunis.

En l’espèce, le procès-verbal 3714 / 01 du 11 octobre 2006 (D 1) précise que les policiers ont constaté que Edwin X… sortait du véhicule accidenté et qu’il sentait l’alcool. Compte tenu de ces constatations, ils ont soumis Edwin X… à l’épreuve de l’éthylotest qui s’est révélé positif. Néanmoins, il ne résulte pas des énonciations de ce procès-verbal que Edwin X… était en état d’ivresse manifeste : le seul élément apparent était le fait qu’il sentait l’alcool, mais il n’est apporté aucune précision sur le comportement général du conducteur notamment quant à son équilibre ou à des propos incohérents. Le fait qu’il sentait l’alcool ne prouve pas qu’il était en état d’ivresse manifeste au sens du Code de la Route et l’éthylotest pratiqué immédiatement après est insuffisant pour démontrer cet état d’ivresse, cet appareil ne mesurant pas le taux d’alcool.

Dès lors que les éléments de la conduite en état d’ivresse manifeste ne sont pas réunis, le délit de l’article L. 234-1 II n’est pas caractérisé. » (Cour d’appel de Pau, 18 octobre 2007, n° de RG: 07/00317)

A quelles occasions, le conducteur pourra-t-il être confronté à des poursuites pour conduite en état d'ivresse manifeste ?

Bien évidemment la réponse pénale est plus simple lorsque le dossier pénal fait apparaître un taux d’alcool. Les magistrats ont, sous leurs yeux, des éléments objectifs qui vont leur permettre d’adapter la sanction. Aussi, les poursuites pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique sont-elles préférées aux poursuites pour CEI.

Les circonstances de constatation de ou des infractions peuvent, parfois, interdire le recours à un éthylomètre ou une analyse de sang. Si les constatations opérées par les agents laissent présager un état d’ivresse manifeste, des poursuites seront engagées sur ce chef de prévention.

Mais, dans la plupart des cas, les problématiques de conduite en état d’ivresse manifeste se rencontrent en deux hypothèses : le refus de souffler et les cas de nullités de procédure pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique.

Le refus de souffler

Le refus de se soumettre aux vérifications destinées à établir l’état d’alcoolémie est un délit en soi (pour en savoir plus sur ce délit) pour lequel les peines prononçables sont les mêmes que pour le délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.

Au-delà du refus du conducteur de souffler dans l’éthylomètre, les agents peuvent également constater qu’il présente des signes pouvant laisser présager d’une ivresse manifeste. Deux délits peuvent ainsi être reprochés au conducteur … Si l’on peut craindre un peine plus lourde, la simple condamnation pour ces deux délits entraînera une perte de 8 points du permis de conduire (et non 6 pour un seul délit).

La nullité de procédure pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique

Le délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique implique le recours à un éthylomètre ou des analyses de sang. A ces occasions des difficultés de procédure peuvent survenir et permettre à un avocat de déposer des conclusions de nullité en faisant état. Ces problèmes de procédure qui pourraient, à titre d’exemple porter sur l’identification ou la vérification périodique de l’éthylomètre, seront débattus devant le tribunal in limine litis c’est-à-dire, avant le fond du dossier comme les circonstances de l’infraction ou les impératifs professionnels du conducteur. Lors de cet examen in limine litis de la régularité de la procédure, le Procureur, s’il en perçoit la possibilité dans le dossier, pourra demander à ce que les faits soient requalifiés en faits de conduite en état d’ivresse manifeste.

La présence de vices de procédure dans le cadre de poursuites pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique doit ainsi être étudiée au regard des possibilités de requalification en conduite en état d’ivresse manifeste.

CEI et récidive

Comme indiqué précédemment les sanctions prévues en matière de conduite sous l’empire d’un état alcoolique et conduite en état d’ivresse manifeste sont strictement identiques. Cette proximité se retrouve également en matière de récidive puisque sur ce point CEI et CEA sont assimilés. En clair le conducteur condamné il y a deux ans pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique et à qu’il est reproché des faits de conduite en état d’ivresse manifeste sera poursuivi pour récidive.

Cette assimilation du point de vue de la récidive s’avérera loin d’être anodine puisque (sauf vice de procédure) la récidive d’alcool au volant se traduira notamment par une annulation judiciaire du permis de conduire.