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Vidange oubliée ou mauvaise huile : quelle responsabilité pour le réparateur garagiste ?

Vidange oubliée ou mauvaise huile : quelle responsabilité pour le réparateur garagiste ?

Si les constructeurs émettent des préconisations strictes en matière de vidange qu’il s’agisse du bloc moteur ou de la boîte de vitesse, c’est tout simplement que ces interventions s’avèrent indispensables à la préservation de la mécanique du véhicule. En cas d’oubli de vidange ou d’intervention défaillante et d’avarie majeure, la responsabilité du professionnel de l’automobile pourra être engagée. Les explications de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en droit

Responsabilité garagiste vidange huile
Comme disait la chanson : « mets de l’huile », mais de la bonne viscosité, dans de bonnes quantités en respectant le calendrier préconisé par constructeur

En tant que professionnel, le réparateur exposera sa responsabilité civile professionnelle en cas d’intervention déficiente qu’il s’agisse d’un oubli : la vidange n’a pas été effectuée lors de la révision. Par exemple, du fait d’une erreur de compréhension des préconisations constructeur, le professionnel va estimer que la vidange devra faite opérer ultérieurement, on pense également à une erreur dans le choix de l’huile à utiliser, ou encore un oubli ou une erreur dans le recours aux pièces périphérique liée aux opérations de vidange : séparateur d’huile, filtre, écrou de vidange…

En cas d’intervention déficiente, la mise en cause du réparateur pourra être le fait de son client, mais également le fait du nouveau propriétaire du véhicule après que celui-ci est été vendu par le client du réparateur…

On profitera de toutes ces considérations pour souligner l’importance, en présence d’un véhicule atteint de problèmes probablement liés à une vidange, de prendre le temps de la réflexion avant d’engager des réparations ou de missionner un garagiste pour trouver l’origine de la panne.

Si une procédure judiciaire du fait d’une impossibilité de règlement à l’amiable devait être envisagée en cas de panne importante, il est impératif que soit respecté le principe du contradictoire. En d’autres termes, les investigations menées sur le véhicule devront se faire en présence de toutes les parties concernées par cette affaire : propriétaire du véhicule, vendeur, mandataire, professionnel de réparation… Des analyses peuvent, en effet, être diligentées, sur des échantillons d’huile moteur notamment, et permettront de savoir quel type d’huile a été utilisé, d’identifier la présence de limaille…

Pas assez d’huile dans le flat 6 de la Porsche 911

Le réparateur à qui est confié un véhicule pour une révision ou plus spécifiquement une vidange et qui laisserait repartir le véhicule sans assez d’huile (ou même sans huile !) engagera bien évidemment sa responsabilité vis-à-vis de son client et pourra être condamné à l’indemniser à hauteur du préjudice subi : un moteur à remplacer par exemple…

C’est par exemple ce qui est arrivé à un réparateur à qui avait amenée une Porsche 911 Targa pour une révision générale… mais l’essai routier après intervention ne s’est pas déroulé comme prévu avec une casse moteur liée à un manque d’huile.

« Attendu que le Tribunal constate que le Garage G automobiles a bien pris en charge le véhicule de Madame X C, modèle Porsche 911 Targa le 05/10/2015 à 8h avec un kilométrage de 91 621 km pour une révision générale avec une vidange moteur,

Attendu que le Tribunal constate qu’en octobre 2015, le Garage G automobiles lors d’un essai routier, après avoir parcouru 200 km tombe en panne.

Attendu que le Tribunal constate que les parties sont d’accord pour établir une expertise moteur,

Attendu que le Tribunal constate qu’au vu du rapport de l’expert, le moteur a été endommagé par un manque d’huile et que ce manque d’huile est la cause de la casse moteur,

Attendu que le Tribunal constate que le Garage G automobiles est bien responsable. »

Tribunal de commerce de Fréjus, 11 juin 2018, n° 2017002610

Le tribunal condamnera finalement le professionnel à payer à son client les réparations sur le bloc moteur qui à l’époque s’élevaient déjà à 27 166,50€ TTC…

Vidange : le réparateur responsable aux côtés du vendeur

Mais la responsabilité du réparateur peut également être mise en cause dans le cadre d’une procédure pour vices cachés engagée par le nouveau propriétaire du véhicule. Bien sûr, il ne sera pas demandé au professionnel de reprendre le véhicule atteint d’avaries puisqu’il n’en a jamais été propriétaire. La résolution de la vente, si le nouveau propriétaire obtient gain de cause, sera prononcée à l’encontre de l’ancien propriétaire. Mais cette résolution n’empêchera pas de condamner le réparateur en raison de son intervention déficiente.

C’est ce qu’a pu rappeler récemment, en janvier 2022, la Cour d’appel d’Aix en Provence en présence d’une Mercedes Classe C dont la boîte de vitesse n’avait pas été vidangée par le garagiste missionné par son précédent propriétaire.

« S’agissant en revanche de la responsabilité délictuelle de la Sarl Garage V, en application de l’article 1382 du code civil visé au dispositif des écritures de M. A, une expertise amiable a été réalisée à la diligence de l’assureur de M. B, en présence des experts consultants tant de M. A que du garage Vaz. Plusieurs rapports techniques ont ensuite été réalisés. Ils concluent tous au manquement du garagiste, qui n’a pas procédé à la vidange de l’huile dc la boîte de vitesse lors de la révision des 60 000 km, réalisée à 67 000 km en l’espèce.

La Sarl Garage V avance sans preuve avoir écrit sur le carnet d’entretien du véhicule qu’une vidange restait à réaliser, alors qu’à l’opposé, l’expert de la Sarl Garage V tend à démontrer que ce professionnel ignorait qu’il devait procéder à ce contrôle. C’est ainsi en page 6 de ce rapport, selon le garage V : « la vidange de la boîte n’était pas à faire à 60.000 km ; pas d’intervention effectuée sur cet organe », et à l’issue des opérations d’expertise, il est encore mentionné qu’il « reste persuadé que cette boîte de vitesse n’était pas à vidanger à 60 000 km».

Or, le constructeur du véhicule a confirmé aux experts qu’il préconisait bien de procéder à la vidange de la boîte de vitesse à ce kilométrage.

En conséquence la Sarl Garage V a commis une faute contractuelle à l’égard de M. Z qui était alors propriétaire de l’engin, le lien de causalité entre l’absence de vidange, et les désordres affectant la boîte de vitesse étant établi.

Cette faute contractuelle caractérise une faute délictuelle à l’égard de M. B et de M. A, tiers au contrat d’entretien du véhicule litigieux.

La Sarl Garage V ne saurait toutefois être redevable de la restitution du prix et des frais de la vente en suite de la résolution de la vente qui n’est pas un préjudice indemnisable, mais seulement à raison des dommages causés par son mauvais entretien à M. B et M. A, étant observé que ce fondement délictuel peut être invoqué pour la première fois en cause d’appel en application de l’article 565 du code de procédure civile, pour tendre aux mêmes fins.

Condamne M. C A à payer à M. G B la somme totale de 13’902,50 € au titre de la restitution du prix d’acquisition du véhicule et des frais de la vente,

Déclare recevable et fondée la demande de M. G B au titre d’un préjudice de jouissance en ce qu’elle est dirigée contre le garage V au titre de sa responsabilité délictuelle,

Condamne en conséquence la Sarl Garage V à payer à M. G B la somme de 5 628,07 € à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues »

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 4 janvier 2022, n° 19/11135

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Parfois l’addition peut même se révéler plus élevée pour le professionnel de la réparation qui a failli dans son intervention. Un tribunal peut en effet prononcer une condamnation solidaire, les professionnels condamnés sont alors garants du paiement de l’intégralité des sommes.

Tel avait été le cas d’un réparateur à qui avait été confié un véhicule pour révision avant sa vente, il avait été dans cette affaire reproché au garagiste de ne pas avoir attiré l’attention du vendeur sur un calendrier de vidange dépassé et l’utilisation d’une huile de moindre qualité que celle préconisée.

Il est encore constant que si le véhicule a été vendu par la R, celle-ci a confié la révision avant la vente à M. A, aux fins de donner ensuite la garantie à son acheteur. Dès lors que l’expert peut dire que seule l’intervention de M. A est à l’origine de la dégradation lente mais irréversible des éléments d’embiellage du moteur, c’est à celui-ci d’assumer les conséquences de cette dégradation qui est constitutive d’un vice caché pour l’acheteur. Le fait que l’entretien ait été effectué tardivement de 10.000 kilomètres aurait du également être relevé par M. A; chargé par la R d’effectuer la remise en état avant la vente, c’est lui qui était à même d’appeler l’attention de la R sur le fait que la vidange du moteur était faite trop tardivement. Au contraire, il a utilisé pour cette vidange une huile de moindre qualité qui a entraîné la dégradation inéluctable de la mécanique.

dit que le véhicule N MEGANE vendu par la R aux époux J le 24 avril 2006 était affecté d’un vice caché,

dit que M. A en sa qualité d’exploitant individuel de la société 123 assuré par la I est responsable contractuellement du vice caché et à ce titre devront relever et garantir solidairement la R de toutes les condamnations prononcées,

Condamne la R relevée et garantie solidairement par M. A et la I à payer la somme de 15.460 € (quinze mille quatre cent soixante euros) aux époux J au titre du remboursement du prix de vente,

Tribunal de grande instance de Marseille, 10e chambre civile, 16 juin 2011, n° 10/04061

Dans l’affaire jugée par le TGI de Marseille le professionnel s’était vu notamment reprocher l’utilisation d’une huile non adaptée, il sera également possible de rechercher la responsabilité du professionnel en cas de recours à des pièces déficientes : séparateur d’huile, écrou, filtre ou de non remplacement de ces pièces alors que leur état le justifiait ou que les préconisations constructeurs l’exigeaient.

On pourra à ce titre se référer à un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier. Dans cette affaire, le garage n’avait pas remplacé le séparateur d’huile lors de la vidange en dépit des recommandations en ce sens.

On notera également dans cet arrêt la condamnation du réparateur à l’indemnisation à hauteur des réparations nécessaire à la remise en état du véhicule. La juridiction va prononcer la résolution de la vente. Le vendeur va donc devoir restituer le montant de la vente à son acheteur qui lui restituera un véhicule hors service. Le réparateur sera lui condamner à verser le montant des travaux à son client qui avait venu son véhicule…

Attendu qu’il ne peut être sérieusement contesté sur un plan technique, au vu de l’expertise, que le garagiste a commis une faute en n’assurant pas le remplacement du séparateur d’huile lors de la troisième vidange, selon les préconisations du constructeur, alors qu’il assurait l’entretien régulier et conforme du véhicule à l’occasion de ces trois vidanges’;

Attendu que dans ce cadre reprécisé, il est parfaitement indifférent en droit, dans le cadre de l’obligation de résultat, de protester de contrôle du séparateur d’huile lors des 80’000 km, rien n’indiquant, selon le garagiste, qu’il convenait de le changer et le constructeur n’ayant préconisé aucune obligation formelle ;

Mais attendu que la preuve étant rapportée de la préconisation d’un changement du séparateur toutes les trois vidanges (annexe 11 de l’expertise), le garagiste qui n’y procède pas, et qui ne démontre pas avoir formellement averti le client qu’il convenait d’y procéder, voit sa responsabilité engagée envers son client, étant précisé que dans ses conclusions ce garagiste reproche simplement à l’appelant de ne pas avoir procédé à la révision des 110’000 km , alors que sa faute était consommée lors de la révision des 80’000 km’;

Attendu que le dommage est constitué pour M. A non pas par l’obligation de restituer le prix, mais par le fait de se retrouver propriétaire d’un véhicule restitué sur lequel la cour estime qu’une réparation de 10 836 € est nécessaire’;

Attendu que la cour prononcera donc condamnation du garagiste en ce sens, en réformant sur le partage de responsabilité instituée par le premier juge;

Cour d’appel de Montpellier, 20 juillet 2016, n°14/07324

On achèvera ce rapide d’horizon de jurisprudence avec un arrêt très intéressant de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 14 février 2018 à propos de la responsabilité d’un garagiste ayant procédé à la vidange d’un véhicule et au remplacement du filtre à huile. C’est notamment à l’occasion de cette affaire que la Cour de cassation a pu initier un mouvement jurisprudentiel amoindrissant légalement la responsabilité des réparateurs et leur fameuse obligation de résultat…

Vu l’article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

Attendu que la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur s’étend aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat et qu’il appartient à celui qui l’assigne en responsabilité, de rapporter la preuve que les dysfonctionnements allégués sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l’intervention du garagiste ou sont reliés à celle-ci ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 15 juillet 2011, M. X… a confié son véhicule à la société Centre feu vert (le garagiste) en vue d’une révision incluant la vidange et le remplacement du filtre à huile ; qu’à la suite d’une panne survenue le 17 juillet suivant, et au vu du rapport d’expertise judiciaire ordonnée en référé, M. X… a assigné le garagiste en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. X…, l’arrêt retient que la panne du moteur est due à un manque de lubrification, que l’utilisation, lors de la vidange, d’un filtre à huile non conforme à celui préconisé par le constructeur, n’a pas altéré le niveau de lubrification, et que l’avarie est due à une autre cause non identifiée de manière précise, le remplacement du lubrifiant pouvant être à l’origine de l’intrusion d’un élément polluant ou facilitateur de déplacement de particules en suspension ou précédemment stockées dans le fond du carter ; qu’il ajoute que M. X… ne rapporte pas la preuve que le dommage trouve son origine dans un élément sur lequel le garagiste soit intervenu lors de la révision du véhicule ;

Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que le dommage provenait d’une déviation de la circulation d’huile et de l’arrêt de la lubrification de l’un des paliers du moteur, à la suite de l’intervention du garagiste ayant effectué la vidange et remplacé le filtre à huile du véhicule, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article susvisé ;

Cass. Civ. 1ère, 14 février 2018, n°17-11199

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