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Peut-on prendre en photo un véhicule dans la rue et diffuser sa plaque d’immatriculation ?

Peut-on prendre en photo un véhicule dans la rue et diffuser sa plaque d’immatriculation ?

Les amateurs de belles autos ont désormais le réflexe de dégainer leurs smartphones quand ils croisent un véhicule intéressant dans la rue. Mais ont-ils le droit ? Le propriétaire peut-il s’opposer à la photographie ? Et qu’en est-il de la plaque minéralogique : floutage obligatoire ou pas ? Les éléments de réponse par Jean–Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit.

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Des carspotters pas toujours respectueux de l’intimité et de la vie privée des propriétaires de belles autos…

Photographier le véhicule d’autrui : légal ou pas ?

Les carspotters pourront remercier la Cour de cassation ! Pendant longtemps, photographier les biens d’autrui posait de problème et la jurisprudence ne manquait pas de le rappeler.

Vu l’article 544 du Code civil ;

Attendu que le propriétaire a seul le droit d’exploiter son bien, sous quelque forme que ce soit ;

Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X…, épouse Y…, tendant à la saisie de cartes postales mises en vente par la société Editions Dubray, représentant le  » Café Gondrée « , dont Mme Y… est propriétaire à Bénouville, l’arrêt attaqué énonce que la photographie, prise sans l’autorisation du propriétaire, d’un immeuble exposé à la vue du public et réalisée à partir du domaine public ainsi que sa reproduction, fût-ce à des fins commerciales, ne constituent pas une atteinte aux prérogatives reconnues au propriétaire ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’exploitation du bien sous la forme de photographies porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé ;

Cour de Cassation, Chambre civile 1, 10 mars 1999, n°96-18699

L’arrêt précité fait référence à un bien immobilier mais le raisonnement était exactement la même le même pour une automobile.

Fort heureusement pour les adeptes du car spotting traquant les raretés automobiles dans la rue ou aux abords des grands hôtels, la jurisprudence de la Cour de cassation a évolué dans le bon sens…

Photo de la voiture et plus généralement du bien d’autrui : le revirement de jurisprudence

Comme souvent la jurisprudence n’est pas gravée dans le marbre et ce qui est vrai un jour pourra un autre jour faire l’objet d’une analyse différente par les tribunaux.

La Cour de cassation a, ainsi, mis fin à son ancienne jurisprudence et, pour marquer le coup, l’arrêt a été rendu en assemblée plénière. Avec un tel arrêt : pas de risque de dissensions entre différentes chambres, et un message fort est adressé à l’ensemble des tribunaux.

attendu que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci ; qu’il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal ;

Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 7 mai 2004, n°02-10450

Shooter un beau véhicule, place Vauban, devant le Shangri-La ou tout simplement dans la rue en bas de chez soi est donc tout à fait autorisé. La seule limite est celle du trouble anormal qui serait causé par cette photographie ou plutôt la diffusion de cette photographie.

Les étudiants en droit (out du moins ceux de ma génération) ont tous entendu parler de la campagne de promotion qui avait été faite par un office du tourisme en Bretagne utilisant le cliché d’une petite maison entre deux énormes rochers. Le cliché était absolument sublime et l’effet escompté a dépassé de loin les attentes des commanditaires de cette campagne nationale, puisque des badauds par milliers sont venus admirer cette petite maison, et envahir par la même occasion les plates-bandes de ses propriétaires qui n’ont pas manqué de clamer haut et fort leur mécontentement…

En matière automobile, les hypothèses de troubles anormaux par la prise de photographies relèvent plus du cas d’école…

En tout état de cause, dans l’hypothèse d’une action en justice il reviendra au propriétaire du bien photographié de rapporter la preuve du trouble anormal (voir par exemple : Cass. Civ. 1, 5 juillet 2005, n°02-21452)

On notera que l’exploitation commerciale de la photographie du bien d’autrui ne constituera pas en soi un trouble anormal (voir, par exemple, pour une photographie du Moulin rouge inséré dans un ouvrage présentant les principaux sites touristiques parisiens : Cass. Com., 31 mars 2015, n°13-21300).

Photographie du véhicule et de ses occupants : attention au respect de la vie privée !

L’article 9 du Code civil pose une règle très claire : « chacun a droit au respect de sa vie privée » que le Code pénal vient assortir de lourdes sanctions.

Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :

1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

3° En captant, enregistrant ou transmettant, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d’une personne sans le consentement de celle-ci.

Lorsque les actes mentionnés aux 1° et 2° du présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis sur la personne d’un mineur, le consentement doit émaner des titulaires de l’autorité parentale.

Lorsque les faits sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 euros d’amende.

Article 226-1 du Code pénal

Les dispositions de cet article 226-1 du Code pénal font référence à l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, mais peut-on considérer que l’habitacle d’un véhicule est un lieu privé ?

En voiture, c’est privé !

Pour répondre à cette question, on pourra se référer à une affaire qui avait été assez médiatisée à l’époque : celle de la compagne d’un Président, l’actrice Julie Gayet poursuivie par des paparazzi alors qu’elle conduisait sa voiture

Un photographe dont les clichés avaient été publiés par le magazine Closer était poursuivi devant le tribunal correctionnel de Versailles pour « avoir volontairement utilisé la photographie de Melle Julie Gayet obtenue sans son consentement et alors qu’elle se trouvait dans un lieu privé en l’occurrence son véhicule »

L’actrice par ailleurs compagne du Président de la République avait en effet porté plainte estimant « qu’elle avait fait l’objet d’une véritable traque depuis plusieurs semaines de la part d’individus munis d’appareils photos ». Elle avait également constaté que « le magazine Closer n°448 (…) relatait dans ses moindres détails, photographies à l’appui, ses déplacements. »

Les responsables de la publication en question soutenaient que l’infraction n’était pas constituée car les photographies avaient été prises alors que l’actrice était « au volant de sa voiture, derrière une surface vitrée, soit un espace accessible au regard des tiers ». Les avocats de la défense évoquaient également le cas des clichés photographiques pris par les radars automatiques.

Pour le tribunal correctionnel :

Il est toutefois constant qu’au sens des articles 226-1 et 226 du Code pénal, constitue un lieu privé un endroit n’étant ouvert à personne sauf autorisation de son occupant, ce qui est à l’évidence le cas d’un véhicule automobile ; que la jurisprudence sur la licéité des photographies prises lors des contrôles routiers citées par le conseil (du photographe) pour infirmer cette analyse est également à l’évidence inopérante en ce qu’elle découle directement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, lequel limite les ingérences justifiées de l’autorité publique dans l’exercice de ce droit au respect de la vie privée à celles prévues par la loi  et nécessaires dans une société démocratique à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou la protection des droits et libertés, autant de critères dont il paraît vain d’estimer qu’ils pourraient s’appliquer à la diffusion de la photo d’une actrice par un magazine spécialisé dans la vie privée des vedettes. »

TGI Versailles, chambre correctionnelle, 2 septembre 2014         

On conseillera donc au carspotters de flouter les visages des occupants en cas de photo d’un véhicule en circulation…

carspotters droit au respect de la vie privée

Et la plaque d’immatriculation : obligatoire ou pas de la flouter ?

Pourquoi certains propriétaires vont flouter leurs plaques minéralogiques lorsqu’ils postent les photos de leurs véhicules sur les réseaux sociaux ou sur un site d’annonce ? Tout simplement pour éviter le risque d’une doublette. Mais la doublette c’est quoi ?

Des plaques d’immatriculation masquées : pour éviter les doublettes !

Il peut être tentant pour un conducteur malintentionné de repérer un véhicule strictement identique au sien et d’en relever le numéro d’immatriculation.

Il lui suffira alors de se faire faire des plaques à ce numéro, et de les apposer à son véhicule pour échapper aux radars automatiques…

En cas d’infraction relevée par un radar automatisé qui s’agisse d’un excès de vitesse ou du franchissement d’un feu rouge, l’avis de contravention sera envoyé au titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule dont la plaque a été usurpée.

Pourquoi une doublette et non pas un faux numéro ?

En utilisant le numéro d’immatriculation d’un véhicule strictement identique au sien, le délinquant passera sous les radars des forces de l’ordre. En cas de contrôle rapide sans interception, le numéro d’immatriculation correspondra bien au type du véhicule. On parle bien de délinquants puisque de tels comportements sont sévèrement réprimés par le Code de la route :

I. – Le fait de mettre en circulation ou de faire circuler un véhicule à moteur ou une remorque muni d’une plaque portant un numéro d’immatriculation attribué à un autre véhicule dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer des poursuites pénales contre un tiers est puni de sept ans d’emprisonnement et de 30 000 EUR d’amende.

II. – Toute personne coupable de cette infraction encourt également les peines complémentaires suivantes :

1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension ne pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;

2° L’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

3° La confiscation du véhicule.

III. – Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire.

Article L317-4-1 du Code de la route

On notera au passage que l’infraction prévue et réprimée par les dispositions de l’article L.317-4-1 reproduites ci-dessus est plus lourdement sanctionnée que la simple apposition d’un faux numéro.

La doublette : une véritable plaie pour les victimes !

Les victimes de doublette peuvent se retrouver du jour au lendemain sous le coup de nombreux avis de contravention. En cas de faux numéro, si par exemple leur numéro de plaque a été utilisé mal intentionnellement et apposé sur un véhicule ne correspondant pas aux leurs, la contestation de l’avis de contravention sera relativement aisée, puisque la photographie prise au moment de l’infraction montrera un véhicule totalement différent de celui correspondant au certificat d’immatriculation.

Mais en cas de doublette, le véhicule apparaissant sur le cliché photographique correspondra bien à celui à celui du titulaire du certificat d’immatriculation dans le numéro aura été usurpé…

On rappellera qu’en cas d’usurpation de plaques, la victime devra porter plainte et contester avis de contravention par avis de contravention !

Photographie de véhicule sans dissimulation de la plaque : la position de la CNIlL

La CNIL a clairement pris position sur la question du floutage des plaques :

En principe, un particulier ne peut pas publier sur internet la photographie d’un véhicule sans flouter sa plaque d’immatriculation. C’est le cas, par exemple, si la publication a pour objectif de dénoncer le comportement supposé illégal d’un·e automobiliste sur la route.

À savoir :

La plaque d’immatriculation d’un véhicule est une donnée personnelle dans la mesure où elle permet d’identifier indirectement une personne physique propriétaire du véhicule.

Le fait de diffuser publiquement une telle donnée personnelle sur Internet est un traitement au sens de l’article 4-2 du règlement général sur la protection des données (RGPD).

À noter !

Si la publication sur internet de la photographie d’un véhicule répond à une mission d’intérêt public (un avis de recherche publié par la police par exemple), la plaque d’immatriculation n’a pas à être floutée.

Si la publication sur internet d’une photographie correspond à la volonté de plusieurs propriétaires, par exemple pour illustrer un rassemblement de véhicules, les plaques d’immatriculation peuvent ne pas être floutées.

Peut-on publier sur internet les photos d’un véhicule sans flouter sa plaque d’immatriculation ?

On conseillera donc le floutage de la plaque et ce d’autant plus que les photographies diffusées sur Internet ou les réseaux sociaux peuvent se balader bien longtemps après la mise en ligne par le photographe.

Certains amateurs d’automobiles ne manqueront pas de souligner que, sauf connaissance particulière, il n’est pas possible de relier une plaque et un nom ou une adresse.

En réalité, le Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), le RGPD pour les intimes vise également le traitement opéré par quelqu’un qui n’aurait pas les capacités de décoder ou d’exploiter les données. Il conviendra d’avoir en tête qu’à partir du moment où un tiers peut les exploiter, le traitement des données doit faire l’objet de la même attention que si l’on pouvait les décoder soi-même. L’idée qui sous-tend ces exigences renvoie au risque de perte ou de diffusion des données…

Dans le cas des plaques minéralogiques, si les photos circulent sur le net il y a effectivement des risques pour qu’elles puissent être exploitées demain ou après-demain surtout avec le développement de l’AI qui permet la reconnaissance aisée des véhicules…

Contacter Maître le Dall pour une étude de votre dossier :

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