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Alcool au volant ou conduite sous stupéfiants : pas d’assurance ?

Alcool au volant ou conduite sous stupéfiants : pas d’assurance ?

En cas de condamnation pour alcool au volant ou conduite après usage de stupéfiants, l’assurance couvre-t-elle d’éventuels dommages causés au tiers ou subis par le conducteur ? Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit fait le point sur les dispositions applicables côté Code des assurances et sur les dernières jurisprudences.

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Alcool au volant ou conduite sous stupéfiants : que dit le Code des assurances ?

Commençons par rappeler que le Code des assurances autorise sous conditions les « clauses d’exclusion de garantie » qui auront pour effet de priver le bénéficiaire du contrat de la réparation du préjudice subi. Côté vocabulaire juridique, on retrouvera parfois le terme de clause de déchéance, en réalité la clause de déchéance concernera une faute postérieure à la survenance du sinistre. Si l’on s’interesse aux problématiques liées à la conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou à la conduite après usage de stupéfiants, on préférera logiquement employer l’expression de clause d’exclusion et non de déchéance, l’alcoolisation ou la prise de stupéfiants intervenant avant…

Des clauses d’exclusion pour alcool ou stupéfiants au volant valides

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. »

Article L113-1 du Code des assurances

Toutefois pour protéger les éventuelles victimes, le Code des assurances n’autorise que les exclusions de garanties limitativement prévues par la loi et fixées par décret en Conseil d’État. (Cf. article L. 211-1 du Code des assurances)

On pourra ainsi se reporter aux dispositions de l’article R 211-10 du Code des assurances :

« Le contrat d’assurance peut, sans qu’il soit contrevenu aux dispositions de l’article L. 211-1 comporter des clauses prévoyant une exclusion de garantie dans les cas suivants :

1° Lorsque au moment du sinistre, le conducteur n’a pas l’âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule, sauf en cas de vol, de violence ou d’utilisation du véhicule à l’insu de l’assuré ;

2° En ce qui concerne les dommages subis par les personnes transportées, lorsque le transport n’est pas effectué dans les conditions suffisantes de sécurité fixées par un arrêté conjoint du ministre de l’économie et des finances, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l’intérieur, du ministre de la défense et du ministre chargé des transports… »

De même les dispositions de l’article R 211-11 du Code des assurances prévoient que

« Sont valables, sans que la personne assujettie à l’obligation d’assurance soit dispensée de cette obligation dans les cas prévus ci-dessous, les clauses des contrats ayant pour objet d’exclure de la garantie la responsabilité encourue par l’assuré :

1° Du fait des dommages causés par le véhicule lorsqu’il transporte des sources de rayonnements ionisants destinés à être utilisées hors d’une installation nucléaire, dès lors que lesdites sources auraient provoqué ou aggravé le sinistre »…

On ne listera pas tout ce que le conducteur ne peut pas faire s’il ne veut pas se retrouver sans assurance, mais le lecteur aura compris que le Code des assurances permet la présence de ces clauses d’exclusions dans les polices d’assurance.

Clauses d’exclusion pour alcool ou stupéfiants au volant et Code de la consommation

La Cour de cassation a eu, par ailleurs, récemment l’occasion de rappeler que rédigées de façon claire et compréhensible, ces clauses d’exclusion échappent à l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 juillet 2021, n°19-25552

Dans cette affaire du 8 juillet 2021, les clauses d’exclusion de garantie selon lesquelles « ne sont pas garantis les accidents survenus alors que l’assuré conduisait sous l’empire d’un état alcoolique » avait permis à un assureur de refuser de verser les sommes correspondant à la valeur du véhicule détruit et le paiement de sommes au titre de la garantie corporelle conducteur à la suite d’un accident de la circulation à l’occasion duquel le conducteur alcoolisé était décédé.

L’épouse de ce conducteur décédé au nom de laquelle était assuré le véhicule au moment des faits reprochait à la Cour d’appel de Pau (CA Pau, 7 août 2019, n° 16/03315) de ne pas avoir recherché si les clauses d’exclusion de garantie selon lesquelles « ne sont pas garantis les accidents survenus alors que l’assuré conduisait sous l’empire d’un état alcoolique », n’étaient pas abusives du fait notamment qu’elles aient vocation à s’appliquer que l’alcoolémie du conducteur ait eu ou non une influence sur la survenance de l’accident.

Pour la Cour de cassation :

5. Aux termes de l’article L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Selon l’alinéa 7 du même article, devenu l’alinéa 3 de l’article L. 212-1, l’appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa, ne porte pas sur la définition de l’objet principal du contrat pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Cass. Criv. 2, 8 juillet 2021, n°19-25552

Couverture obligatoire des dommages aux tiers même en cas d’alcool ou de stupéfiants au volant 

C’est en effet ce que prévoient les dispositions de l’article L211-6 du Code des assurances

« Est réputée non écrite toute clause stipulant la déchéance de la garantie de l’assuré en cas de condamnation pour conduite en état d’ivresse ou sous l’empire d’un état alcoolique ou pour conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. »

La compagnie d’assurance prendra donc en charge les dégâts causés aux tiers, on pense notamment aux frais de remise en état du véhicule heurté par le conducteur en état d’ivresse ou plus grave les frais liés à l’hospitalisation d’éventuels blessés et leurs indemnisations…

Pas de couverture d’assurance pour les dommages du conducteur alcoolisé ou sous stupéfiants

Mais ces dispositions de l’article L. 211-6 du Code des assurances ne concernent que l’assurance obligatoire des dommages causés aux tiers et non l’assurance des dommages causés à son véhicule par le conducteur assuré.

C’est ce que n’a pas manqué de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 7 avril 2011 :

Vu l’article L.113-1 du code des assurances, ensemble l’article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, ayant perdu le contrôle de son automobile a, par voie d’assignation, demandé à son assureur, la société Avanssur, gérée par la société BNP Paribas, la garantie des dommages matériels occasionnés à son véhicule par l’accident ;

Attendu que pour accueillir sa demande, l’arrêt énonce qu’il résulte des dispositions de l’article L. 211-6 du code des assurances que la clause qui prive l’assuré de sa garantie en considération du fait qu’il conduisait sous l’empire d’un état alcoolique est réputée non écrite de sorte que la société BNP Paribas doit sa garantie ;

Qu’en statuant ainsi alors que l’article L.211-6 du code des assurances ne concerne que l’assurance obligatoire des dommages causés aux tiers, visée par l’article L. 211-1 du même code, et non l’assurance des dommages causés à son véhicule par le conducteur assuré, de sorte que l’exclusion de garantie, formelle et limitée, prévue aux articles 4 et 6 de la police était applicable, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Cass. Civ. 2., 7 avril 2011, n° 10-10868
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Des clauses d’exclusion que le conducteur peut tenter de combattre

Le conducteur confronté à un refus de garantie par sa compagnie d’assurance devra se référer aux documents contractuel (conditions générales ou particulières) qui lui ont été remis au moment de la souscription du contrat ou qui ont pu lui être adressés ultérieurement (avenants).

Des clauses qui doivent apparaitre clairement dans les documents remis

L’ Article L112-4 du Code des assurances rappelle que « les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. »

Des clauses d’exclusion claires

En 2001, la Cour de cassation est venue opérer un revirement de jurisprudence important en faveur des assurés en me permettant plus l’interprétation des clauses d’exclusions imprécises (pour la jurisprudence antérieure à cet arrêt de 2001, voir par exemple : Cass. Civ 1. , 27 mai 1997, n° 94-20603).

Pour la Cour de cassation « une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée » (Cass. Civ. 1 , 22 mai 2001, n° 99-10849) ; ce qui fit dire au Professeur Jérôme Kullmann, dans son commentaire à la RGDA :

« Le raisonnement qui justifie la nouvelle solution est assez simple. Par définition, si une clause d’exclusion doit être interprétée, c’est qu’elle est ambiguë. Si elle est ambiguë, c’est qu’elle est susceptible de recevoir plusieurs sens. Et si elle peut recevoir plusieurs sens, l’assuré est, au moment de la souscription du contrat d’assurance, dans l’impossibilité de savoir dans quelles circonstances il sera, ou non, garanti. »

Jérôme Kullmann, Revue générale du droit des assurances – n°20001-04 – page 944

Par de clause d’exclusion ambiguë en matière de stupéfiants au volant

La 2ème Chambre civile de la Cour de cassation vient de rappeler ce principe de bon sens dans un arrêt du 16 Juillet 2020 en présence d’un conducteur assuré confronté à un problème de consommation de produits stupéfiants.

Vu l’article L. 113-1 du code des assurances :

6. Il résulte de ce texte qu’une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée.

7. Pour rejeter les demandes formées par l’assuré, l’arrêt retient que malgré la rédaction succincte et générale de la clause d’exclusion de garantie, la condition précise, de ne pas avoir conduit en ayant fait usage de substances classées stupéfiants, est suffisamment démontrée par l’assureur par la déclaration de l’assuré d’une consommation quotidienne, et notamment la veille ou l’avant-veille, sauf à enlever toute signification au motif particulier de l’exclusion de garantie, de sorte que l’assuré ne peut pas prétendre qu’il n’était pas en mesure de connaître l’étendue de sa garantie, au regard de cette clause particulière d’exclusion dans la situation d’une conduite concomitante avec une prise régulière quotidienne de produits classés stupéfiants.

8. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a procédé à l’interprétation d’une clause d’exclusion ambigüe, ce dont il résultait qu’elle n’était ni formelle ni limitée, a violé le texte susvisé.

Cass.  Civ. 2, 16 juillet 2020, n°19-15676

La Cour de cassation avait déjà pu examiner un certain nombre de clauses d’exclusion en matière de stupéfiants au volant. Dans une affaire de 2015, la Cour de cassation s’était rangée derrière l’analyse d’une Cour d’appel qui avait retenu « que, pour s’opposer à la mise en œuvre de la garantie, l’assureur se (prévalait) de la clause d’exclusion de garantie insérée aux conditions générales du contrat ainsi libellée « exclusions communes aux garanties dommages subis par le véhicule ; dommages subis par votre véhicule lorsque le conducteur se trouve au moment du sinistre sous l’empire d’un état alcoolique tel que défini par la réglementation en vigueur ou sous l’emprise de stupéfiants ou substances non prescrits médicalement », « exclusion du préjudice corporel du conducteur qui au moment du sinistre conduisait sous l’empire d’un état alcoolique tel que défini par la législation en vigueur ou sous l’emprise de stupéfiants ou substances non prescrits médicalement » ; qu’une telle clause est parfaitement valable dès lors qu’elle est formelle et limitée au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances comme se référant à des critères suffisamment précis permettant à l’assuré de connaître l’étendue exacte de la garantie » (Cf. Cass. Civ. 2, 5 mars 2015, n°14-11982).

Pour la Cour de cassation « de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire que la clause d’exclusion de garantie prévue au contrat, formelle et limitée, devait recevoir application ».

Un peu plus récemment, la même 2ème chambre civile de la Cour de cassation pour des faits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique avait pu valider une clause d’exclusion ne faisant pas de distinguo entre contravention et délit.

Vu l’article L. 113-1 du code des assurances ;

Attendu que pour condamner l’assureur à payer à Mme X… la somme de 50 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2014, l’arrêt retient que la clause d’exclusion qu’il invoque, selon laquelle « sont exclues de la garantie, les conséquences d’un acte effectué dans un état d’imprégnation alcoolique caractérisé par un taux d’alcoolémie supérieur à la limite fixée par le code de la route, de l’utilisation de drogues, de stupéfiants, tranquillisants non prescrits médicalement » n’est pas formelle et limitée dès lors qu’elle ne précise aucunement si le taux unique d’alcoolémie qu’elle mentionne est celui retenu par le code de la route pour définir la contravention qu’il prévoit à l’article R. 234-1 ou celui qui permet de caractériser le délit prévu à l’article L. 234-1 ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse est formelle et limitée en ce qu’elle exclut de la garantie, en des termes clairs et précis n’établissant pas de distinction selon que les faits sont susceptibles d’être qualifiés de contravention ou de délit, les conséquences d’un acte effectué dans un état d’imprégnation alcoolique caractérisé par un taux d’alcoolémie supérieur à la limite fixée par le code de la route, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Cass. Civ. 2, 25 octobre 2018, n°17-31296

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