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Vendre ou acheter une voiture à l’électronique modifiée avec boîtier : légal ou pas ? Des recours ou non ?

Vendre ou acheter une voiture à l’électronique modifiée avec boîtier : légal ou pas ? Des recours ou non ?

Il est devenu aujourd’hui très simple de booster les performances d’un véhicule en intervenant sur l’électronique, avec une modification de la cartographie, un changement de puce électronique ou tout simplement l’adjonction d’un boîtier spécifique. Mais quid en cas de revente ? Légal ou pas ? Des recours ou pas pour l’acheteur qui n’aurait pas été mis au courant d’une telle modification ? Les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour et Docteur en droit qui revient sur un arrêt rendu récemment par la Cour d’appel de Montpellier le 21 décembre 2023.

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Une Volkswagen Scirocco qui fait souffler la tempête grâce à un nouveau boitier électronique ?

Un boîtier magique pour retoucher l’électronique du véhicule

Dans cette récente affaire, les juges montpellierains ont eu à se pencher sur une Volkswagen Scirocco à l’électronique modifiée par l’adjonction d’un boîtier spécifique.

La présence de ce boîtier a pu être mise en avant par rapport d’expertise

« Nous observons la présence d’un boîtier de marque Tuning Box qui permet l’augmentation de la puissance du moteur. Le montage de cet accessoire n’est pas autorisé par le constructeur car il modifie les caractéristiques du véhicule »; dans le rapport du 28 mars 2017 : « Ce boîtier permet une augmentation de la puissance du moteur de l’ordre de 20 chevaux » (page 3 du rapport ) ; le boîtier est caché dans la doublure d’aile derrière l’optique droit (page 4 du rapport) ; « (…) nous estimons que le véhicule n’est plus conforme au type original ni aux préconisations du constructeur. En effet, l’adjonction d’un boîtier électronique permet une augmentation de puissance du moteur, ce qui est interdit par le constructeur, car il modifie les caractéristiques du véhicule. De plus, le véhicule a été accidenté à l’avant et cela n’a pas été signalé à Mr [L] (…) » (page 5 du rapport).

Cour d’appel de Montpellier, 4e ch. civile, 21 décembre 2023, n° 21/03622

Un autre rapport d’expertise précise que

« Le propriétaire a mis en place la procédure à la suite de la découverte d’un boîtier tunning branché sur le faisceau moteur ;

Le boîtier en question est connecté à la sonde de pression de carburant et permet de modifier l’information au calculateur pour augmenter la pression de carburant et donc augmenter la puissance de 24 CV, selon le site Internet indiqué sur le boîtier (page 8) ;

Aucun devis n’a été établi, la réparation consiste à enlever le boîtier du véhicule pour le rendre conforme ;

La date de montage du boîtier est inconnue, tout comme l’intervenant l’ayant posé. »

Cour d’appel de Montpellier, 4e ch. civile, 21 décembre 2023, n° 21/03622

La Cour d’appel note ainsi qu’il « résulte des deux rapports d’expertise amiable que le boîtier électronique litigieux était caché dans le moteur et donc non apparent. Or, le boîtier modifie les caractéristiques du véhicule qui au lieu d’être d’une puissance de 8 CV, comme prévu dans le contrat, est d’une puissance supérieure. »

Un véhicule aux caractéristiques modifiées non conforme aux spécifications d’origine

C’est l’augmentation de la puissance qui va pousser la Cour d’appel de Montpellier à faire droit à la demande de résolution formée par l’acheteur.

« C’est donc à raison et par des motifs de droit et de fait que la cour adopte, que le tribunal a considéré, d’une part que le vendeur a manqué à son obligation de délivrance en cédant un véhicule automobile dont les caractéristiques ne correspondaient pas à celles mentionnées sur l’attestation d’achat pour avoir été reprogrammé et, d’autre part, que ce manquement a constitué une inexécution grave du contrat de vente au regard des préconisations du constructeur justifiant sa résolution. »

L’obligation de délivrance conforme

On soulignera l’obligation de délivrance conforme (articles 1604 et suivants du Code civil) porte en réalité sur une double conformité : celle qui correspond aux caractéristiques et spécifications du véhicule lorsqu’il est livré neuf par le constructeur automobile et celle correspondant à ce que le vendeur propose à la vente.

On peut parfaitement imaginer qu’un vendeur spécifie dans l’annonce et précise dans un contrat de vente que le véhicule cédé a fait l’objet de telle ou telle modification… Mais lorsque rien n’est précisé, les juridictions considéreront le contrat de vente porte sur le véhicule correspondant aux spécifications d’origine.

C’est d’ailleurs ce que note l’un des experts en automobile ayant eu à examiner le véhicule : « le boîtier modifie les caractéristiques du véhicule qui au lieu d’être d’une puissance de 8 CV, comme prévu dans le contrat, est d’une puissance supérieure »

Une obligation de délivrance conforme même pour le vendeur de bonne foi

Dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Montpellier le 21 décembre 2023, le vendeur prétendait ignorer qu’un tel boîtier avait été monté sur son ancien véhicule. Mais comme ne manquent pas de le rappeler les juges d’appel : « le manquement à l’obligation de délivrance du vendeur est indépendant de sa bonne ou de sa mauvaise foi ».

Des modifications électroniques qui laissent planer le doute sur la fiabilité du véhicule

Les opérations techniques et expertales dans ce dossier laissent à penser qu’une remise en état, pourrait être envisagée par la simple suppression du boîtier. Aucun devis n’avait été toutefois fourni. Même si l’on peut émettre l’hypothèse que l’intervention de suppression du boîter ou de la puce pourrait s’avérer relativement simple, j’utilise volontairement le conditionnel, puisque parfois l’électronique a ses raisons que la raison ne connaît pas…

Mais surtout au-delà de la remise en conformité du véhicule par rapport à ses spécifications d’origine demeurera toujours à propos de ces véhicules modifiés la question des conséquences de ces « améliorations ». L’accroissement dans des proportions non négligeables des performances du bloc-moteur peut entraîner une usure prématurée d’un certain nombre de pièces mécaniques. Et le bon sens sur cette question conduira évidemment à la conclusion suivante : si une telle puissance pouvait être sortie du bloc-moteur sans risque accru côté fiabilité ou usure prématurée ou problématique de pollution… pourquoi le constructeur n’aurait-t-il pas directement prévu une telle configuration ?

La remise en configuration d’origine du véhicule électroniquement modifié n’effacera sans doute pas d’un seul coup de clic une fatigue et une usure prématurée d’un véhicule utilisé à surrégime pendant plusieurs dizaines de milliers de kilomètres… 

Ce sont également ces considérations qui auront amené les juges montpelliérains à pencher pour la résolution de la vente.

« La résolution de la vente est donc la sanction proportionnée à la non-conformité, car il n’est pas démontré que la remise aux normes du véhicule puisse intervenir par le simple enlèvement du boîtier. »

On soulignera également que désormais chez de nombreux constructeurs automobile la modification électronique laisse des traces indéllébiles dans la mémoire de l’électronique embarquée même en cas de remise en configuration d’origine.

Véhicule avec boitier = véhicule invendable ???

La lecture de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 21 décembre 2023 devra évidemment inquiéter les vendeurs de véhicules modifiés. Et cette affaire permettra même aux plus septiques de réaliser que l’on peut être mis en cause des mois après sa vente et par un nouveau propriétaire alors que le véhicule aurait pu changer de mains à plusieurs reprises.

Bien évidemment et c’est ce qui s’est produit dans cette affaire de décembre 2023, il faut pouvoir prouver à quel moment ont été opérées les modifications.

« Les premiers juges ont exactement estimé au sujet de l’appel en garantie que Monsieur [T] n’apporte pas la preuve que le boîtier était présent au moment de la vente conclue avec Monsieur [B] le 24 septembre 2015, l’année de fabrication du boîtier (2012) étant inopérante à démontrer la date de son installation dans le véhicule litigieux.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [T] de sa demande tendant à la condamnation de Monsieur [B] à le relever et garantir de toute condamnation. »

Cour d’appel de Montpellier, 4e ch. civile, 21 décembre 2023, n° 21/03622

A lire également sur le sujet la chronique de Me le Dall sur TF1Info

Booster le moteur de son véhicule : homologation, revente, assurance… que dit la loi ?

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