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CBD au volant en 2023: la Cour de cassation dit non

CBD au volant en 2023: la Cour de cassation dit non

La position de la Cour de cassation était attendue depuis longtemps sur la question du cannabidiol ou CBD au volant. Sur ce point, la jurisprudence était divisée, certains tribunaux correctionnels, certaines Cours d’appel condamnant, d’autres, au contraire, relaxant les conducteurs poursuivis pour conduite après usage de stupéfiants. La Cour de cassation vient de trancher dans un arrêt du 21 juin 2023, les explications et les commentaires de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Dour, Docteur en Droit.

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CBD au volant : la Cour de cassation dit non et ne s’est pas rangée derrière analyses et formules scientifiques

La question de la légalité de la commercialisation du CBD avait déjà largement occupé les juridictions nationales et même européennes. Après un long parcours judiciaire, la justice avait finalement considéré que les produits à base de cannabidiol, de CBD pouvaient légalement être commercialisés sur le territoire national. Bien évidemment, ce produit doit obéir à certaines caractéristiques avec une plante de chanvre devant avoir une teneur en THC ne dépassant pas les 0,3%

CBD au volant, THC au tournant

Avec un faible taux de THC dans les plantes à partir desquelles sont issus les produits à base de CBD, leur absorption pourra entraîner la présence de faibles traces de THC dans l’organisme du consommateur.

Ces faibles traces peuvent apparaître au moment des dépistage opérés à l’occasion des contrôles routiers et les analyses diligentées en laboratoire peuvent confirmer la présence de THC dans l’organisme du conducteur.

Les textes prévoient un seuil de détection pour le THC, toutefois ce seuil constitue un objectif à atteindre pour les laboratoires en charge de ces analyses. Rien n’interdit à ces mêmes laboratoires de descendre en dessous de ces taux de détection imposée a minima par les textes.

Un laboratoire pourra ainsi mettre en lumière de très faibles, voire d’infimes traces de THC provenant non pas de la consommation de cannabis, mais de la consommation de CBD. Problème : contrairement à l’alcool le Code de la route ne prévoit pas de taux légal, des traces infimes suffisent pour le conducteur à être condamné. Le Conseil consitutionnel avait déjà été saisi de ce problème lié à l’absence de « taux légal » et a pu se prononcer sur la parfaite conformité des dispositions de l’article L235-1 du Code de la route :

5. Considérant, en premier lieu, que, d’une part, il était loisible au législateur d’instituer une qualification pénale particulière pour réprimer la conduite lorsque le conducteur a fait usage de stupéfiants ; qu’à cette fin, il a précisé que l’infraction est constituée dès lors que l’usage de produits ou de plantes classés comme stupéfiants est établi par une analyse sanguine ; que, d’autre part, il appartient au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge compétent, de fixer, en l’état des connaissances scientifiques, médicales et techniques, les seuils minima de détection témoignant de l’usage de stupéfiants ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu le principe de légalité des délits en omettant de préciser la quantité de produits stupéfiants présents dans le sang pour que l’infraction soit constituée doit être écarté ;

6. Considérant, en second lieu, que la disposition contestée réprime d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende le fait de conduire un véhicule alors qu’une analyse sanguine révèle que le conducteur a fait usage de stupéfiants ; que, compte tenu des risques induits par le comportement réprimé, les peines encourues ne sont pas manifestement disproportionnées ;

Conseil Constitutionnel, Décision n° 2011-204 QPC du 9 décembre 2011

Conduite après usage de stupéfiants : pas de taux

Depuis la réforme de 2016, les prélèvements salivaires qui sont opérés sur les conducteurs ne donnent plus lieu à des résultats chiffrés dans le cadre des opérations d’analyse.

Le laboratoire va simplement indiquer la présence ou l’absence de produits stupéfiants.

Pour ce qui est du CBD, la plupart de laboratoires vont procéder aux analyses qui leur sont demandées par les forces de l’ordre. En général, les forces de l’ordre ne demanderont pas au laboratoire de procéder à la recherche de cannabidiol. Les laboratoires ne vont donc pas rechercher la présence de ce produit, mais se contenteront de fournir les résultats relatifs à une présence, même faible de THC.

Des juridictions qui ont relaxé des conducteurs poursuivis pour conduite après usage de CBD

Certaines juridictions et notamment la Cour d’appel de Rouen dans un arrêt du 5 septembre 2022 ont pu juger que le consommateur de CBD ne pouvait pas être condamné pour conduite après usage de stupéfiant en partant du principe que le cannabidiol n’était pas considéré comme un produit stupéfiant.

C’est notamment ce qu’il ressort de la jurisprudence et notamment de l’arrêt du Conseil d’Etat du 29 décembre 2022

Les données scientifiques avancées par les parties ont montré que le CBD a des propriétés décontractantes et relaxantes et des effets anticonvulsivants, mais n’a pas d’effet psychotrope et ne provoque pas de dépendance, à la différence du THC. Il existe ainsi des variétés de cannabis, celles qui ont un faible taux de THC, qui ne peuvent pas être considérés comme des produits stupéfiants

CBD : Annulation de l’arrêté interdisant la vente des fleurs et feuilles de cannabis sans propriétés stupéfiantes

On rappellera que depuis le 19 novembre 2020, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) avec l’affaire C-663/18, dite Kanavape considère également qu’en l’état des connaissances scientifiques et sur la base des conventions internationales en vigueur, le CBD ne constitue pas un produit stupéfiant.

Des analyses prouvant la consommation de CBD diligentées par le conducteur

Ces juridictions ont pu adopter une telle position grâce à la production par le prévenu d’analyses toxicologiques et notamment d’analyses capillaires montrant une consommation de CBD dans les semaines précédant le contrôle et, au contraire, démontrant l’absence de consommation de cannabis. Certains laboratoires peuvent donc se prononcer sur une absence de consommation de produits stupéfiants et peuvent démonter la présence de très faibles de THC au moment du contrôle par la consommation de CBD.

A côté de l’appréhension de la consommation de CBD sous l’angle scientifique, se pose aussi et surtout la question de l’intention chez le consommateur. Le CBD est clairement présenté comme un produit légalement commercialisé en France et non comme un produit stupéfiant. Certaines boutiques présentent même le CBD comme une alternative au THC permettant la prise de volant.  

Clairement, la plupart des consommateurs de CBD pensait jusqu’à aujourd’hui pouvoir conduire sans risque de poursuites et de condamnation pénale.

Rentrant dans des considérations très factuelles, l’Avocate Générale a fait part au contraire à la Cour de cassation du fait que selon elle le conducteur relaxé par la Cour d’appel de Rouen avait pleinement conscience de la présence de THC dans son organisme :

« Cependant, il (le conducteur relaxé par la Cour d’appel de Rouen) ne peut être ignoré qu’un produit contenant du CBD contient généralement aussi du THC, ne serait-ce qu’en traces. Les recherches effectuées montrent en outre que nombre de produits vendus comme étant du « CBD » mentionne aussi la présence de THC ainsi que le taux de THC contenu.
Un conducteur contrôlé positif au delta-9-tétrahydrocannabinol ne peut donc raisonnablement soutenir ne pas avoir conscience d’avoir consommé du THC au motif qu’il ne consommerait que des produits affichés « CBD », surtout lorsque, comme en l’espèce, il était responsable d’un commerce de vente de CBD, et, quand bien même le CBD retrouvé auprès de lui serait exempt de THC, le contrôle positif au THC démontrerait alors qu’un autre produit en contenant a été consommé. »

Avis de Mme Bellone, Avocate générale référendaire

CBD au volant : la Cour de cassation dit non

C’est justement un arrêt de la cour d’appel de Rouen qui a été censuré le 21 juin 2023 par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Vu l’article L. 235-1 du code de la route et l’annexe IV de l’arrêté du 22 février 1990 modifié, pris pour l’application de l’article L. 5132-7 du code de la santé publique :

6. Le premier de ces textes incrimine le seul fait de conduire après avoir fait usage de stupéfiants, cet usage étant établi par une analyse sanguine ou salivaire, peu important que le taux de produits stupéfiants ainsi révélé soit inférieur au seuil minimum prévu par l’arrêté, en vigueur au moment des faits, fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l’usage de stupéfiants, qui est un seuil de détection et non un seuil d’incrimination.

7. Selon le second, le tétrahydrocannabinol est une substance classée comme stupéfiants.

8. Pour relaxer M. [J] du délit de conduite après usage de stupéfiants, l’arrêt attaqué retient que, s’agissant de la présence de cannabis dans la salive, l’expertise toxicologique, qui en fait état, ne mentionne pas de taux de THC, et qu’en outre, aucune investigation n’a été menée afin de savoir si le CBD consommé par l’intéressé dépassait ou non la teneur admise en tétrahydrocannabinol, fixée à moins de 0,20 % à la date des faits.

9. Le juge en conclut qu’il résulte de ces éléments et des déclarations du prévenu, que ni l’élément matériel, ni l’élément intentionnel de l’infraction ne sont établis avec certitude.

10. En prononçant ainsi, alors que l’autorisation de commercialiser certains dérivés du cannabis, dont la teneur en delta 9 tétrahydrocannabinol, substance elle-même classée comme stupéfiant par l’arrêté susvisé, n’est pas supérieure à 0,30 %, est sans incidence sur l’incrimination de conduite après usage de stupéfiants, cette infraction étant constituée s’il est établi que le prévenu a conduit un véhicule après avoir fait usage d’une substance classée comme stupéfiant, peu important la dose absorbée, la cour d’appel a méconnu les textes précités.

11. La cassation est, dès lors, encourue.

Cass. Crim., 21 juin 2023, n°22-85530

La Cour de cassation ne remet pas en cause la légalité de la commercialisation du CBD, mais considère qu’à partir du moment où il entraîne la présence de traces de produits stupéfiants, sa consommation est incompatible avec la prise de volant.

On regrettera la position de la Cour de cassation qui aurait pu prendre en compte la jurisprudence des plus hautes juridictions qui ne considéraient pas le CBD comme un produit stupéfiant. Aujourd’hui pour les consommateurs de CBD, le risque de condamnation pour délit de conduite après usage de stupéfiants est accru avec à la clé des sanctions lourdes et la perte de 6 points sur le permis de conduire alors que clairement la science a pu démontrer que ces conducteurs n’étaient pas sous l’influence d’un produit stupéfiant. Les observateurs les plus optimistes verront peut-être dans cet arrêt un appel du pied de la Cour de cassation au législateur pour revoir un cadre juridique désormais inadapté en matière de stupéfiants. Mais l’histoire a largement démontré que lorsqu’il s’agissait du Code de la route, le législateur ne se montrait guère conciliant avec les conducteurs…

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CBD au volant : « Même avec d’infimes traces, on peut être condamné »

Pour mémoire, on rappellera les sanctions prévues par le Code la route en cas de condamnation pour conduite après usage de stupéfiants :

I.-Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu’il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire qu’elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende. Si la personne se trouvait également sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du présent code, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 9 000 euros d’amende.

II.-Toute personne coupable des délits prévus par le présent article encourt également les peines complémentaires suivantes :

1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire ; cette suspension ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ; elle ne peut être assortie du sursis, même partiellement ;

2° L’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

3° La peine de travail d’intérêt général selon les modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code et à l’article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs ;

4° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;

5° L’interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;

6° L’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

7° L’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants ;

8° La confiscation du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire.

III.-L’immobilisation du véhicule peut être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3. IV.-Les délits prévus par le présent article donnent lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire.

Article L235-1 du Code de la route

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