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Conduite après usage de stupéfiants : pas de condamnation sans analyse en laboratoire !

Conduite après usage de stupéfiants : pas de condamnation sans analyse en laboratoire !

La jurisprudence en matière de conduite après usage de stupéfiants et des analyses en laboratoire n’a pas bougé depuis 2012 sur cette question. Jean-Baptiste le Dall avait eu à l’époque l’occasion de commenter un arrêt de la Chambre criminelle du 15 février 2012 extrêmement clair sur cette question des analyses toxicologiques. Depuis 2012, les analyses de sang ont été largement délaissées dans le cadre de la lutte contre l’usage de stupéfiants au volant au profit du prélèvement salivaire. Le conducteur contrôlé est dans un premier temps soumis à un dépistage salivaire, puis en cas de résultat positif à un prélèvement salivaire qui sera envoyé en laboratoire. La jurisprudence n’a toutefois pas évolué qu’il s’agisse d’une analyse sanguine ou de l’analyse d’un prélèvement salivaire, c’est uniquement sur la base des résultats communiqués par le laboratoire qu’un juge pourra entrer en voie pour conduite après usage de stupéfiants.

Analyses en laboratoire obligatoire conduite après usage de stupéfiants
Absence d’analyse en laboratoire, vice de procédure ou pas?

Commentaire initialement publié le site d’actualité du cabinet en mars 2012

Décision commentée : Cass. Crim., 15 février 2012, n° 11-84.607

Nous avons déjà eu à regretter en ces lieux l’extrême sévérité de la Cour de cassation en matière de conduite après usage de stupéfiants. Dans son arrêt du 8 juin 2011, la Chambre criminelle avait rappelé sa position en censurant la Cour d’appel d’Angers qui avait relaxé un automobiliste après avoir constaté que si des traces de produit stupéfiants avait pu être détectées dans l’organisme du prévenu celui-ci n’était plus au moment des faits sous l’influence de ceux-ci.

Le Conseil constitutionnel lui même a évacué cette question de l’influence des produits stupéfiants ( CC, QPC, 9 décembre 2011, n°2011-204) figeant ainsi la jurisprudence dans l’attente d’un improbable revirement de la Chambre criminelle.

Et l’année 2012 ne s’annonçait guère plus clémente envers les conducteurs consommateurs de stupéfiants avec notamment la publication au Journal officiel de l’arrêté du 29 février 2012 fixant le montant de l’augmentation du droit fixe de procédure dû en cas de condamnation pour conduite après usage de stupéfiant. Avec les nouvelles dispositions de cet arrêté, l’automobiliste condamné pour conduite après usage de stupéfiants devra régler outre une probable amende délictuelle, et outre les frais fixes de procédure de 90 euros en vigueur devant le tribunal correctionnel, une somme de 210 euros pour les frais d’analyses toxicologiques.

En matière de dépistage, l’administration vient également de sélectionner une entreprise allemande, Securitec pour le marché des kits salivaires avec des appareils « plus fiables et plus maniables » d’après le Ministère de l’Intérieur. Même si l’attribution de ce marché a été attaquée par Biotech jusqu’alors fournisseur de ces équipements (référé en expertise en cours devant le tribunal administratif de Paris) il est probable que le nombre des opérations de dépistage augmente encore cette année (76 000 en 2010).

Les praticiens et surtout les automobilistes concernés par la réglementation relative à la conduite après usage de stupéfiants auront, donc, l’heureuse surprise à la lecture d’un arrêt du 15 février 2012 de constater que la Chambre criminelle n’est pas systématiquement défavorable aux automobilistes.

Dans cet arrêt la Chambre criminelle pose le principe du caractère incontournable de l’analyse toxicologique en matière de conduite après usage de stupéfiants:

« Vu l’article L. 235-1 du code de la route ;

Attendu que cet article incrimine le fait de conduire un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants, dès lors que cet usage résulte d’une analyse sanguine ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de conduite d’un véhicule après usage de stupéfiants, l’arrêt, après avoir retenu que l’analyse sanguine n’avait pas été opérée régulièrement, énonce que la nullité afférente étant relative, il appartient au prévenu de rapporter la preuve d’un grief qui résulterait de l’irrégularité de la procédure de vérification ; que les juges ajoutent qu’en l’espèce, le prévenu a reconnu avoir fumé  » un joint  » préalablement à la conduite de son véhicule et qu’il passe, ainsi, aveu de sa culpabilité sur ce point ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que l’usage de stupéfiants, élément constitutif de l’infraction prévue par l’article L. 235-1 du code de la route, ne peut être prouvé que par analyse sanguine, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

Cass. Crim., 15 février 2012, n° de pourvoi: 11-84607

La position de la Chambre criminelle : impossible de passer outre les analyses toxicologiques pour entrer en voie de condamnation pour conduite après usage de stupéfiants.

Cet arrêt permet également de mettre en exergue une autre différence entre alcool et stupéfiants au volant. La principale différence a déjà été évoquée précédemment, à la différence de l’alcool, il n’existe pas de taux légal en matière de stupéfiants : de simples traces suffisent pour être condamné.

L’autre différence entre ces deux délits réside dans l’absence de possibilité de requalification en cas de nullité des analyses médicales relatives aux produits stupéfiants.

Conduite sous stupéfiants : pas de requalification possible sans analyse

En matière d’alcool, un tribunal constatant, par exemple, que les résultats ont été obtenus par le biais d’un éthylomètre n’ayant pas fait l’objet d’une vérification périodique annuelle, ou non homologué, peut requalifier les faits en conduite en état d’ivresse manifeste. Bien évidemment, cette requalification ne pourra être opérée que si les éléments du dossier le permettent avec l’indication de propos incohérents tenus par l’automobiliste, de titubations…

 Mais en matière de stupéfiants, cette possibilité de requalification n’existe pas. Il serait sous doute possible pour une juridiction de retrouver dans un dossier pénal certains éléments permettant de constater le trouble provoqué par la prise de produits stupéfiants

Toutefois, aucun délit de « conduite en état d’emprise toxicologique manifeste » n’existe !

Mais que les défenseurs les plus ardus de la sécurité routière se rassurent cette carence n’offre que peu de marge de manœuvre aux consommateurs de produits stupéfiants. Ceux qui auraient refusé d’être soumis à vérification médicales pourront très bien être poursuivis pour ce refus mais sans doute également pour conduite en état d’ivresse manifeste. Comment, en effet, pourrait-on réellement déterminer la cause de l’état d’ivresse. Et il n’y a qu’à se référer à la définition qu’en donne le Larousse : « état d’excitation euphorique avec troubles perceptifs des mouvements, troubles de l’élocution et parfois libération de l’agressivité dû à une ingestion massive de boissons alcoolisées ou de psychotropes sédatifs (barbituriques et éther en particulier ) ».

Bien évidemment la loi pénale étant d’interprétation stricte, la preuve de l’absence de consommation d’alcool devrait écarter toute éventualité d’une condamnation pour conduite en état d’ivresse manifeste causée par une prise de produits stupéfiants. On pense, ainsi, à l’automobiliste qui accepterait de subir les vérifications relatives à l’alcool et pour lequel l’éthylotest resterait négatif mais refuserait de subir les vérifications relatives aux stupéfiants tout en présentant un état d’excitation élevé que l’on pourrait attribuer à une prise d’alcool ou de stupéfiants. Dans cette hypothèse d’école, cet automobiliste ne pourrait être condamné que pour son refus de se soumettre aux vérifications liées aux stupéfiants…

Pour le tribunal administratif aussi : pas de suspension de permis pour conduite après usage de stupéfiants sans analyse !

C’est ce qu’a pu rappeler le Tribunal administratif confronté à une mesure de suspension de permis de conduire décidée par un Préfet alors qu’aucune analyse avait été effectuée :

Considérant ce qui suit :

1. Le permis de conduire de M. A a fait l’objet d’une suspension pour une durée de six mois par un arrêté du préfet de l’Aude du 13 juin 2022. Par la présente requête, M. A demande au tribunal d’annuler cet arrêté du 13 juin 2022.

2. Aux termes de l’article L. 224-7 du code de la route : « Saisi d’un procès-verbal constatant une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, le représentant de l’Etat dans le département où cette infraction a été commise peut, s’il n’estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l’interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n’en est pas titulaire. () ».

3. Il ressort des termes de la décision attaquée que pour suspendre le permis de conduire de M. A, le préfet de l’Aude s’est fondé sur la circonstance que le requérant avait conduit après avoir fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants le 24 mai 2022.

4. Toutefois, il ne ressort d’aucune pièce du dossier, le préfet n’ayant produit aucun verbal de constatation de l’infraction, que M. A, qui nie avoir consommé des stupéfiants, reconnait uniquement l’usage de CBD dépourvu de propriétés stupéfiantes et produit des analyses biologiques négatives au cannabis réalisées le 10 juin 2022, aurait conduit sous l’emprise de stupéfiants. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’absence de matérialité des faits qui fondent la décision attaquée doit être accueilli.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que l’arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de l’Aude a suspendu le permis de conduire de M. A doit être annulé.

Tribunal administratif de Montpellier, 11 juillet 2023, n° 2204248

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