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Faux code : l’annulation de l’épreuve théorique et du permis de conduire pour fraude devant les tribunaux administratifs

Faux code : l’annulation de l’épreuve théorique et du permis de conduire pour fraude devant les tribunaux administratifs

Les faux codes ou tout du moins les obtentions frauduleuses de l’examen théorique du permis de conduire se sont multipliées ces dernières années favorisées par la privatisation de l’organisation de ces épreuves. Que se passe-t-il en cas de détection des fraudes ? Annulation du permis de conduire ou pas ? Des recours devant le tribunal administratif ou pas ? Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit revient sur ces problématiques, jurisprudence administrative à l’appui !

Faux permis de conduire fraude code
Un permis de conduire qui pourrait être annulé en cas de fraude avérée.

Vrai faux code : des fraudes au permis de conduire de plus en plus fréquentes

L’organisation des épreuves théoriques du permis de conduire, à savoir les preuves du code de la route par des officines privées a bien évidemment ouvert la voie à diverses fraudes.

Avec la complicité de certains examinateurs, des escrocs ont pu prendre la place de candidats pour passer l’épreuve à leur place. Les exemples de fraudes se sont multipliés ces derniers mois et ont pu donner lieu à des poursuites pénales devant le tribunal correctionnel pour faux et usage de faux tant à l’encontre des organisateurs de ces fraudes que des candidats ayant décidé de se faciliter la tâche…

Mais une condamnation par le tribunal correctionnel n’est pas la seule sanction qui risque d’impacter les fraudeurs.

Faux code : annulation du permis de conduire en perspective !

À partir du moment où les forces de l’ordre identifient un cas de fraude à l’obtention du Code de la route, la machine administrative se met en route avec pour objectif l’annulation du permis de conduire.

Dans de nombreux dossiers, la détection de la tricherie découle tout simplement de la découverte d’un cas de fraude isolé. L’administration vérifie alors l’ensemble des candidats ayant transité par le centre d’examen suspecté de fraude. Seront automatiquement l’objet de vérifications poussées les candidats résidant loin du centre d’examen. Il est, en effet, curieux de venir passer l’examen dans un centre éloigné de plusieurs centaines de kilomètres…

L’administration vise alors tous les candidats suspects et leur adresse un courrier de demande d’observations. Dans cette missive, l’administration explique à l’intéressé qu’elle suspecte une fraude et envisage l’annulation du permis de conduire.

En l’absence d’explications convaincantes de la part de l’intéressé, l’administration procèdera alors à l’annulation du permis de conduire. En effet, l’obtention du permis de conduire implique nécessairement la réussite de l’épreuve théorique à savoir le Code de la route.

Des annulations de permis de conduire portées devant les juridictions administratives

D’un point de vue juridique, l’annulation du permis de conduire pour obtention frauduleuse de l’épreuve théorique s’analyse comme une mesure administrative défavorable qu’il est possible de contester devant un tribunal administratif.

Plusieurs conducteurs ont ainsi pu saisir les juridictions administratives avec plus ou moins de succès.

Si le fait de passer l’épreuve du Code de la route à plusieurs centaines de kilomètres peut paraitre suspect à tout le moins étrange, il ne suffit pas à lui seul à prouver la fraude.

C’est ce qu’ont pu rappeler les tribunaux administratifs à plusieurs reprises ces derniers mois :

« il appartient au préfet de procéder au retrait d’un permis de conduire obtenu à la suite de manœuvres frauduleuses intervenues pendant l’une des épreuves mentionnées à l’article D. 221-3 du code de la route.

6. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier qu’une procédure en date du 26 avril 2021, diligentée par les gendarmes de la brigade motorisée des Abymes, a permis de mettre en exergue l’existence de faux documents attestant de la réussite de l’épreuve théorique générale du code de la route, ainsi que l’obtention frauduleuse de l’ETG du permis de conduire de catégorie B. M. A a ainsi été entendu dans les locaux de la gendarmerie de Pointe-à-Pitre dans le cadre d’une commission rogatoire du 14 juin 2022, la gendarmerie ayant été saisie de faits de faux en écriture, escroquerie, escroquerie au préjudice d’un organisme chargé d’une mission de service public, faux dans un document administratif et corruption passive.

7. Le préfet de la Guadeloupe fait valoir que compte tenu de la mauvaise maîtrise de la langue française constatée lors de son audition par la gendarmerie et de sa méconnaissance du déroulement de l’épreuve, M. A ne pouvait sans fraude réussir l’épreuve théorique du permis de conduire. Il a par la décision attaquée annulé l’ETG de M. A.

8. Toutefois, en se bornant à produire le rapport d’audition de M. A du 8 septembre 2022 et le rapport administratif de la gendarmerie du 15 septembre 2022, le préfet de la Guadeloupe n’établit pas que l’intéressé aurait bénéficié, directement ou indirectement, de pratiques frauduleuses organisées au sein du centre d’examen de Gourbeyre. De plus, contrairement à ce qu’affirme le préfet, M. A n’a pas reconnu lors de son audition avoir fraudé et a nié les faits à plusieurs reprises au cours de cette audition. Dans ces conditions, le préfet de la Guadeloupe ne pouvait se fonder sur la seule maîtrise de la langue française et de sa méconnaissance de l’épreuve pour en conclure que, sans manœuvre frauduleuse M. A, notamment dès lors qu’il a passé l’épreuve destinée aux candidats maîtrisant mal la langue française, n’aurait pas pu valider l’épreuve théorique du permis de conduire.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que le préfet de la Guadeloupe ne pouvait retenir la fraude qui ne se présume pas mais qui doit être établie pour invalider l’épreuve théorique de son permis de conduire. Par conséquent, l’arrêté du 15 septembre 2022 doit être annulée. »

Tribunal administratif de Guadeloupe, 2ème ch., 16 mai 2024, n°2201235

« 4. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 10 mars 2022, le préfet des Hautes-Pyrénées a informé Mme B de ce qu’il envisageait de prononcer à son encontre une sanction administrative d’annulation de ses épreuves théorique et pratique du permis de conduire, au motif que lors de son entretien du 6 août 2021 avec le référent fraude départemental, la requérante ne s’est que très peu exprimée sur les circonstances de son déplacement dans le département de l’Essonne, très éloigné de son lieu de résidence, dans le cadre du passage de l’épreuve théorique générale et sur les modalités propres liées à l’organisation de cette épreuve. Invitée à présenter ses observations, la requérante a transmis, par un courriel de son conseil en date du 28 mars 2022, des précisions sur les circonstances de son déplacement. Le 4 mai suivant, le préfet l’a informée de l’annulation des résultats des deux épreuves sur le fondement de la fraude. Ainsi que le soutient le préfet en défense, celui-ci a, sur le seul constat que les explications données par Mme B ne lui permettaient pas de conclure à l’absence de toute intentionnalité frauduleuse, estimé que l’intéressée avait obtenu frauduleusement l’épreuve théorique générale du permis de conduire, et a pour ce motif annulé ses deux épreuves. Toutefois, le préfet, auquel il incombe de démontrer la fraude, ne produit aucun élément de nature à établir que l’intéressée aurait effectivement bénéficié, directement ou indirectement de pratiques frauduleuses organisées au sein du centre d’examen de Massy, et s’il indique avoir procédé à un signalement complémentaire au titre de l’article 40 du code de procédure pénale au tribunal judiciaire de Tarbes, il n’apporte aucune précision sur les suites données à ce signalement.

5. Il résulte de ce qui précède que, faute pour le préfet des Hautes-Pyrénées de rapporter la preuve qui lui incombe de la fraude alléguée, laquelle ne se présume pas, Mme B est fondée à demander l’annulation de la décision du 4 mai 2022 attaquée invalidant les épreuves théorique et pratique de son permis de conduire. »

Tribunal administratif de Pau, 11 mars 2024, n°2201496

Outre la distance, une faible maîtrise de la langue française pourrait laisser supposer que le candidat ne pouvant espérer réussir les épreuves du fait d’une difficulté de compréhension des questions pourrait évidement inciter à la suspicion d’une fraude. Mais là encore la jurisprudence administrative exige de l’administration qu’elle rapporte la preuve d’une telle fraude avant de procédure à l’annulation du permis de conduire.

« il appartient au préfet de procéder au retrait d’un permis de conduire obtenu à la suite de manœuvres frauduleuses intervenues pendant l’une des épreuves mentionnées à l’article D. 221-3 du code de la route.

7. Le préfet de l’Yonne fait valoir que compte tenu de la mauvaise maîtrise du français constatée lors du passage de l’épreuve pratique, M. A ne pouvait, sans tricherie, réussir l’épreuve théorique qui suppose une compréhension moyenne de la langue française. Selon le préfet, la fraude serait également révélée par le choix « plus que surprenant » de l’intéressé de passer cette épreuve théorique au sein du centre d’examen agréé Dekra de Chalette-sur-Loing distant de plus de 80 kilomètres de son domicile alors qu’il existait à proximité de chez lui plusieurs centres d’examen.

8. Toutefois, d’une part, il ne ressort d’aucune mention portée sur le certificat d’examen du permis de conduire établi à l’issue de l’épreuve pratique que la note de 0/3 attribuée pour l’item « effectuer les vérifications du véhicule », sur laquelle se fonde exclusivement le préfet de l’Yonne pour soutenir que M. A ne maîtrise pas la langue française, soit justifiée par l’incapacité de l’intéressé à comprendre les questions posées par l’examinateur plutôt que par son insuffisante connaissance des notions et caractéristiques techniques sur lesquelles il était interrogé. D’ailleurs, lors de l’épreuve théorique, les deux erreurs commises par le requérant portaient sur la thématique technique « éléments mécaniques liés à la sécurité ». En outre, l’examinateur, qui n’a pas fait mention d’une insuffisante compréhension de la langue française par le candidat lors de l’épreuve pratique, lui a attribué la note de 3/3 à l’item « appliquer la réglementation », confirmant ainsi sa connaissance des règles apprises dans le code de la route. Dans ces conditions, le préfet de l’Yonne ne pouvait se fonder sur la seule note de 0/3 attribuée à l’intéressé à l’item « effectuer les vérifications du véhicule » pour en conclure que son niveau de maîtrise de la langue française était insuffisant pour lui permettre de valider, sans manœuvre frauduleuse, l’épreuve théorique du permis de conduire.

9. D’autre part, si le requérant n’apporte aucune explication sur les raisons qui l’ont conduit à passer l’épreuve théorique au centre d’examen de Chalette-sur-Loing distant de plus de 80 kilomètres de son domicile alors qu’il existait à proximité de chez lui plusieurs centres d’examen, cette seule circonstance ne suffit pas, en l’absence de tout élément au dossier établissant qu’il aurait bénéficié, directement ou indirectement de pratiques frauduleuses organisées au sein du centre d’examen de Chalette-sur-Loing, à démontrer l’existence de la fraude reprochée à M. A.

10. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que la directrice départementale des territoires de l’Yonne ne pouvait, légalement, retenir la fraude, qui ne se présume pas mais qui doit être établie, pour invalider les épreuves théorique et pratique de son permis de conduire. En conséquence, la décision du 16 juin 2023 en litige doit être annulée. »

Tribunal administratif de Dijon, 1ère ch., 6 décembre 2023, n°2302237

Une urgence à démontrer pour retrouver rapidement son permis de conduire

Comme il est de mise en matière administrative, le dépôt d’un recours à l’encontre n’est pas suspensif et ne suffit pas à retrouver le droit de conduite. Or l’instruction d’une requête devant un tribunal administratif peut prendre de nombreux mois. L’engament d’une procédure de référé pourra permettre retrouver plus rapidement le volant ou le guidon grâce à la suspension de l’exécution de la décision du Préfet dans l’attente de la décision au fond par le tribunal administratif.

Pour prendre sa décision le juge des référés prendra compte de plusieurs éléments : le doute quant à la légalité de la décision attaquée (qui en dehors d’aveu de l’intéressé ne posera pas en l’état de la jurisprudence la difficulté la plus insurmontable) mais également l’urgence.

C’est ce que montre par exemple la décision rendue par le Tribunal administratif de Toulouse du 14 mai 2024 :

« 4. Pour justifier de l’urgence de sa situation, Mme B avance que la décision préfectorale du 27 février 2024 la place dans l’impossibilité d’effectuer les déplacements au centre hospitalier de Toulouse, que son état de santé implique, la prive de la possibilité de se présenter aux épreuves pratiques du permis de conduire et préjudicie, plus généralement, à sa situation personnelle, dans un contexte où elle a perdu son emploi et son traitement. Il ne ressort cependant pas des justifications fournies que la prise en charge médicale de la requérante impliquerait des déplacements fréquents et réguliers au centre hospitalier de Toulouse, qu’elle ne pourrait pas suivre son traitement médical dans le département où elle réside ou qu’elle ne disposerait pas d’autres solutions que l’usage d’un véhicule personnel pour se rendre en consultation au pôle digestif de l’hôpital de Rangueil. La requérante n’établit nullement, par ailleurs, en quoi le retrait de la décision du 8 octobre 2022, qui a effectivement pour conséquence de la priver de la possibilité de se présenter à l’épreuve pratique du permis de conduire, lui porterait préjudice dans une éventuelle démarche de retour à l’emploi, laquelle n’apparaît pas documentée dans le cadre de la présente requête. Par suite, et alors même que la décision contestée pourrait momentanément avoir des conséquences gênantes pour la requérante, la condition d’urgence, au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, ne saurait être regardée comme remplie. En conséquence, il y a lieu de faire application de l’article L. 522-3 du code de justice administrative et de rejeter la requête, sans qu’il soit besoin de rechercher si la condition tenant à l’existence de moyens propres à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en cause est en l’espèce satisfaite et sans qu’il soit besoin d’admettre la requérante au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire. »

Tribunal administratif de Toulouse, 14 mai 2024, n°2402270

Vous venez de recevoir un courrier du Préfet vous annonçant l’annulation de votre permis de conduire et vous souhaitez vous défendre, contactez le cabinet pour étudier toutes les possibilités de recours.

A lire également l’interview de Me le Dall pour l’Est Républicain

Avocat permis de conduire Est Républicain

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