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Vente d’une Porsche modifiée : le vendeur considéré de mauvaise foi devra ouvrir le portemonnaie pour rembourser la voiture et même plus ! Cass. civ 1. 15 nov 2023

Vente d’une Porsche modifiée : le vendeur considéré de mauvaise foi devra ouvrir le portemonnaie pour rembourser la voiture et même plus ! Cass. civ 1. 15 nov 2023

Préparer sa Porsche 911 qu’il s’agisse d’une SC 3.2 G 50, d’une 993, d’une 997, d’une 964 ou encore d’une 996 turbo (comme cela fut le cas dans l’affaire, ayant été tranchée par la Cour de cassation le 15 novembre 2023) peut être tentant, mais attention aux conséquences côté juridique. Les explications de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en droit à propos de cet arrêt et des conséquences d’une préparation moteur, en termes d’homologation et de risques ultérieurs liés à une vente : vices cachés, violation de l’obligation de délivrance conforme…

Avocat vices cachés Porsche mofifiée
Blanche comme neige cette Porsche 966 préparée et affûtée ? Peut-être pas pour les tribunaux…

Décision commentée : Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, n°22-22605

Pas d’homologation : pas de circulation sur la voie publique !

En termes de réglementation automobile, le droit français pourra se révéler terriblement frustrant pour les amateurs d’automobile. Contrairement à nos voisins britanniques, qui peuvent faire circuler à peu près tout et n’importe quoi sur les routes du Royaume-Uni, pour peu que l’engin y circule à gauche, les propriétaires de véhicules en France ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent avec leurs autos.

Le droit français en matière d’automobile repose sur le principe qu’un véhicule qui circule en France doit être homologué que cette procédure ait été menée par le constructeur ou qu’elle l’ait été par le propriétaire dans le cadre d’une réception à titre isolé.

Bien évidemment, la réception à titre isolé relève de l’exploit sportif compte tenu de la multitude de normes que le véhicule doit respecter. Les amateurs d’automobiles américaines qui se cassent les dents sur cet obstacle administratif après avoir récupéré leurs autos dans un conteneur au Havre après avoir traversé l’Atlantique pourront en témoigner…

Le passage par la case homologation deviendra incontournable dès lors que les modifications apportées au véhicule dépasseront le stade des améliorations esthétiques avec, par exemple, des travaux de lissage de la carrosserie, des travaux de peinture, des changements de calandre, des modifications d’intérieur avec des travaux de sellerie ou un changement, de l’équipement audio, des changements de jantes, des travaux de fiabilisation, avec pourquoi pas l’emploi de la durites renforcées… Les modifications plus significatives feront perdre au véhicule son homologation dans le sens où celui-ci ne répond plus aux critères qui avaient été pris en compte lors de ces procédures

Le droit français n’intègre pas comme en Allemagne la possibilité d’avoir recours à des pièces « performance » homologuées (TÜV) permettant au véhicule de conserver son homologation.

Augmenter la puissance du bloc moteur d’une centaine de chevaux, revoir l’ensemble de la suspension, rigidifier la caisse pour en faire un véritable karting, supprimer un catalyseur ou un FAP (filtre à particules) pour libérer l’échappement, etc. toutes ces modifications vont dénaturer le véhicule parfois en bien, parfois en moins bien.  Mais le véhicule ainsi modifié ne correspondra plus à celui qui a reçu son homologation…

Il est parfois difficile de ne pas céder aux sirènes de la préparation, surtout lorsque l’on a entre les mains un véhicule déjà un peu sportif aux appétences pour la piste avérées, et dont la motorisation se prête aisément à l’optimisation… A l’évidence une Porsche 996 turbo fait partie de ces véhicules qu’il peut être tentant de vouloir améliorer, et ce d’autant plus que la cote encore relativement basse permet un peu de fantaisie par rapport à l’origine…

Modifications ou amélioration des performances : vice caché ou non-conformité : telle est la question !

Reprenant la définition, plutôt la cléf de lecture qui avait livrée par la Cour de cassation dans son rapport en 1994, le fait qu’un véhicule à l’issue d’une transformation ne corresponde plus à son homologation pourra permettre de soutenir que le véhicule n’est plus conforme à ce à quoi il était à l’époque commercialisé…

“Le vice présente un aspect pathologique susceptible d’évolution alors que la non-conformité est statique et provient du fait patent que la chose n’est pas celle désirée. Le vice est, en outre, la plupart du temps accidentel, alors que la non-conformité existe dès l’origine de la chose. Enfin le vice est inhérent à la chose vendue tandis que la non-conformité exige d’être appréciée à la lumière du contrat”.

Rapport annuel de la Cour de cassation 1994, p.343

La violation d’une obligation de délivrance conforme telle prévue par le Code civil pourra également s’envisager au regard des conditions de la transaction réalisée entre le vendeur et l’acheteur. Les parties à un contrat de vente peuvent, en effet, s’entendre sur la vente d’un bien qui a été modifié, mais attention il faudra alors que toutes les modifications et les conséquences engendrées par ces modifications soient bien précisées par le contrat.

Au-delà des modifications, il sera impératif d’insister sur les conséquences des modifications en matière de possibilité de circuler sur la voie publique. C’est ce point qui avait été pris en compte par la Cour d’appel de Lyon dans l’affaire de la Porsche 966 turbo :

« M. et Mme [E], passionnés d’automobiles de marque Porsche et appartenant au même club automobile Porsche que leur vendeur, ne pouvaient ainsi ignorer l’existence des modifications apportées au véhicule par ce dernier, les intéressés ayant d’ailleurs toujours reconnu qu’ils avaient été informés avant la vente de la reprogrammation du moteur ; aucun élément du dossier ne permet cependant de démontrer qu’ils avaient été informés préalablement à la vente, que ces transformations interdisait l’usage du véhicule sur routes ouvertes et qu’il était réservé à un seul usage sur circuit privé. 

En effet, comme le premier juge, et alors même qu’il n’est pas démontré que les acheteurs aient pris connaissance des conditions générales accompagnant la facture du professionnel de l’automobile ayant procédé aux modifications, la cour constate que ni l’annonce de mise en vente publiée, ni la facture d’achat, ni l’expertise réalisée à l’initiative du vendeur avant la vente, ni la mention cochée par M. [R] sur la carte grise attestant que le véhicule n’avait pas subi de transformations notables susceptibles de modifier les indications du certificat de conformité comme l’actuelle carte grise, ne permettaient à l’acheteur d’être totalement informé des restrictions de circulation imposées par les transformations, caractérisant en cela un vice caché rendant le véhicule impropre à l’usage auquel il était destiné. »

Cour d’appel de Lyon, 1ère chambre civile A, 8 septembre 2022, n° 18/06978

Les multiples modifications apportées à un véhicule et les conditions dans lesquelles elles ont été effectuées (pas toujours dans les règles de l’art) pourront également interroger sur la fiabilité, le comportement routier, les risques de panne, la dangerosité de circulation, ou encore les risques de dégradation rapide de certains éléments mécaniques…

Le véhicule concerné par une modification peut donc également être atteint de vices cachés. Bien sûr il sera possible de considérer que les modifications esthétiques apportées par exemple à la carrosserie étaient apparentes au moment de l’achat du véhicule et ne seraient pas concernées par la garantie légale des vices cachés. Cette question pourra se débattre, puisqu’il faudra alors prouver que l’acheteur ne savait pas que la livrée d’origine du véhicule n’était pas celle du véhicule à la vente… La jurisprudence a notamment eu l’occasion d’apporter cette précision en présence de véhicules rabaissés par le biais de suspensions non d’origine (pour une Mercedes modifiée et rabaissée, voir par exemple : Cour d’appel de Bordeaux, 2ème ch. civile, 17 février 2022, n° 18/05907). Il est ainsi parfois difficile pour le néophyte de savoir ce qui a été transformé ou ce qui est d’origine sur un véhicule…

Violation de l’obligation de délivrance conforme ou garantie légale des vices cachés, les fondements permettant la remise en cause de la vente ou une indemnisation dépendront bien sûr du fondement choisi par l’avocat du ou des demandeurs insatisfaits et du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

Dans l’affaire portée à la connaissance de la Cour de cassation, le 15 novembre 2023, c’est bien le mécanisme de la garantie légale des vices cachés qui a permis de remettre en cause la cession.

L’acquéreur d’un véhicule atteint de vices cachés peut solliciter auprès des tribunaux la résolution de la vente. Si le tribunal constate qu’effectivement des vices non apparents affectaient le véhicule avant la vente, celle-ci pourra être annulée. Dans ce cas de figure, le véhicule est restitué au vendeur qui reverse le prix réglé au moment de l’acquisition.

En présence d’un vendeur de bonne foi qui ignorait que son véhicule était atteint de graves avaries avant la vente, l’acquéreur ne pourra obtenir que le remboursement du prix de vente et des frais accessoires directs (comme les frais d’immatriculation).

Avocat spécialiste Porsche

Vices cachés & véhicule modifié : une indemnisation plus large par le vendeur informé des transformations

Si en présence d’un vendeur de bonne foi l’indemnisation se limitera au remboursement du véhicule et des frais d’immatriculation, tel ne sera pas le cas en présence d’un vendeur de mauvaise foi.

Le vendeur d’un véhicule atteint de vices cachés qui était au courant de ces problèmes lorsqu’il a mis son véhicule en vente, pourra se voir condamné par le tribunal à indemniser le nouveau propriétaire beaucoup plus largement. On pense, par exemple, à des frais liés à la location d’un nouveau véhicule…

Dans l’affaire portée à la connaissance de la Cour de cassation, le 15 novembre 2023, la Cour d’appel de Lyon saisie antérieurement de cette affaire n’avait pas retenu la mauvaise foi du vendeur. Or le vendeur avait a priori indiqué à l’expert judiciaire qu’il savait que la Porsche 966 ainsi modifiée ne pouvait plus légalement circuler sur la voie publique…

6. Pour limiter à 1 425,75 euros la somme due par M. [R] à M. et Mme [E] et rejeter leurs autres demandes de dommages et intérêts, après avoir retenu que le véhicule vendu avait fait l’objet de transformations qui l’avaient rendu non conforme aux normes de circulation sur une route ouverte, ce qui caractérisait un vice le rendant impropre à l’usage auquel il était destiné, l’arrêt relève qu’il n’est pas démontré qu’il savait, au jour de la vente, que le véhicule ne pouvait rouler que sur des circuits privés de sorte qu’il ne saurait être tenu de réparer tous les préjudices résultant de ce vice.

7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme [E] qui soutenaient que, comme le relevait l’expert dans son rapport, M. [R] avait lui-même admis qu’il avait modifié le véhicule en connaissance de cause et savait, avant la vente, que de telles modifications l’empêchaient de rouler sur des routes ouvertes à la circulation, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, n°22-22605

Vente d’un véhicule modifié : transparence obligatoire !

Si un enseignement peut être retiré de cette affaire, c’est bien l’importance de la transparence et la conservation des preuves d’une large communication sur le véhicule et les modifications qui y ont été apportées.

Si l’on savait déjà que la vente d’un véhicule modifié se traduit souvent par un prix de cession plus bas que la cote standard, la jurisprudence actuelle devra inciter le vendeur à prendre un maximum de précautions avant la vente. Il ne lui suffira pas de se réfugier derrière un prix plus bas que le marché, pour prouver que le l’acheteur était au courant des modifications ou des restrictions d’usage de son véhicule.

Un véhicule dont la motorisation aurait été revisitée, dont les suspensions auraient été retravaillées ou qui se serait vu alléger d’un certain nombre d’équipements (suppression de la climatisation à des fins d’allègement par exemple) devra, pour minimiser les risques côté juridique, être proposé à la vente accompagné du détail des modifications.

Dans le même ordre d’esprit, la cession d’un tel véhicule pourra être accompagnée d’un contrat de vente signé par le vendeur et l’acheteur listant les modifications apportées au véhicule et précisant l’absence de possibilité de l’utiliser sur la voie publique, si tel est devenu le cas au fil des modifications.

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