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Achat, vente de véhicule : responsabilité du mandataire

Achat, vente de véhicule : responsabilité du mandataire

Achat vente automobile : quelle responsabilité pour le mandataire ? À l’heure où le marché de l’occasion explose, la question de la responsabilité du mandataire intervenant en matière d’achat ou de vente automobile se pose de façon accrue. Peut-on faire jouer la rencontre la garantie légale des vices cachés à son encontre ? En cas d’avarie ou de défaut sur le véhicule, ces professionnels engagent-ils leurs responsabilités civiles ? Les explications de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Directeur scientifique des Etats Généraux du Droit Automobile.

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Un mandataire certes pas propriétaire du véhicule mais qui, comme tout professionnel, pourra engager sa responsabilité.

Le mandataire : un professionnel de l’automobile

Le marché de l’automobile d’occasion a le vent en poupe avec à la fois des délais de livraison qui s’allongent et le prix des véhicules qui augmente à vue d’œil… Nombreux sont donc les conducteurs français à se tourner du côté de l’occasion, mais un tel achat peut parfois révéler de mauvaises surprises. Pour plus de sécurité, beaucoup d’acquéreurs et notamment ceux qui n’ont jamais franchi le pas du véhicule occasion préfèrent passer par des professionnels de l’automobile et notamment des mandataires.

Mais attention l’achat auprès d’un professionnel de l’automobile, même s’il apporte indéniablement des garanties, ne doit pas faire baisser aux acheteurs leur vigilance.

Un véhicule d’occasion a forcément un peu de vécu et présentera quasiment systématiquement des petits défauts ou des traces d’usure dont un véhicule neuf sera exempt. Il sera difficile pour l’acheteur même un particulier de se plaindre d’un défaut parfaitement visible lorsqu’il a été essayé le véhicule ou le découvrir avant son acquisition.

L’acheteur devra donc être vigilant au moment de l’inspection de sa future auto, il devra également étudier scrupuleusement les documents accompagnant le véhicule : carnet d’entretien, factures, rapport de contrôle technique…

Des professionnels de la vente automobile qui n’ont pas forcément tous la même activité

Outre la taille de la structure qui peut considérablement varier d’une enseigne à une autre, les professionnels de la vente auto n’ont pas tous exactement la même activité. Certains vont vendre des véhicules dont ils sont propriétaires. Certains professionnels de l’automobile ont opéré une reprise sur un véhicule qu’ils vendaient ; certains professionnels vont effectuer une remise en état du véhicule, tandis que d’autres vont revendre directement le véhicule sans intervention particulière si ce n’est un lavage plus ou moins poussé… Certains professionnels ne vont pas vendre leurs propres véhicules mais vont servir d’intermédiaires entre acheteurs et vendeurs. La plupart du temps, le mandataire va être missionné par le propriétaire d’un véhicule souhaitant le vendre. Dans certains cas il pourra également être mandaté par un particulier souhaitant acquérir tel ou tel véhicule avec certaines particularités.

En fonction de la nature de l’activité du professionnel de l’automobile, il ne sera pas forcément possible d’engager les mêmes recours.

Vice caché automobile et mandataire automobile

En cas de problème majeur remettant en cause l’usage même du véhicule, la garantie légale des vices cachés s’impose rapidement comme le meilleur outil à la disposition de l’acquéreur pour parvenir à régler son litige.

Cette procédure plus ou moins longue selon les dossiers pourra aboutir à une indemnisation du préjudice subi par l’acquéreur ou à une résolution de la vente.

Le principe de l’annulation de la vente réside dans la remise dans l’état dans lequel étaient les parties avant la vente.

En d’autres termes, l’acquéreur va récupérer le prix qu’il avait versé au vendeur, plus ou moins augmenté de quelques frais ayant dû être engagés du fait de l’acquisition, et de l’autre côté, le vendeur va récupérer le véhicule qu’il avait vendu quelques mois ou même quelques années auparavant.

On le perçoit rapidement : la garantie légale des vices cachés ne pourra être mise en œuvre qu’à l’encontre du vendeur précédent propriétaire du véhicule. En effet, si le contrat est annulé il sera compliqué d’aller restituer un véhicule à quelqu’un qui n’en était pas propriétaire et de lui demander le versement d’une somme qu’il n’a pas touchée…

Il ne sera pas possible de mettre en œuvre la garantie légale des vices cachés à l’encontre d’un simple mandataire… sauf exception comme l’a expliqué la Cour de cassation.

Un mandataire qui pourra être tenu de la garantie légale de vice caché s’il se présente comme vendeur du véhicule

C’est ce que considère la Cour de cassation et plus globalement la jurisprudence à l’encontre du professionnel qui dissimulerait sa qualité de mandataire pour se présenter comme un professionnel cédant un véhicule de son stock.

Pour le consommateur, cette hypothèse du « vendeur propriétaire » est plus rassurante à la fois, parce qu’il peut imaginer que le professionnel a pu inspecter plus longuement le véhicule et tout simplement parce qu’il peut compter sur la garantie légale des vices cachés…

« Mais attendu qu’ayant constaté que M. X… avait contracté sur le site internet « ebay. fr » avec un certain « pierrot 92220 », se trouvant être M. Y…, garagiste à Bagneux, auprès de qui il avait pris livraison du véhicule et à qui il avait réglé le prix de la vente contre remise par celui-ci des certificats de cession et d’immatriculation, et relevé que M. Y… n’avait donné aucune indication à M. X… sur sa qualité de mandataire, la cour d’appel en a justement déduit que, peu important la mention, sur ces certificats du nom de M. Z…, insuffisante à établir la propriété du bien vendu, le garagiste, professionnel de l’automobile, avait engagé sa responsabilité du fait des vices cachés affectant le véhicule, en dissimulant à l’acquéreur sa qualité de mandataire et en se comportant comme le vendeur du véhicule »

Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 décembre 2014, n°13-23868

Les juridictions du fond (tribunaux judiciaires et cours d’appel) ont largement repris la position de la Cour de cassation. On pourra, par exemple, se référer à un arrêt rendu par la Cour d’appel de Chambéry en septembre 2022 qui permettra de constater l’importance accordée à chaque document. Les magistrats vérifient à chaque fois comment le professionnel a pu s’y présenter :

Les éléments versés aux débats par les parties permettent de retenir que :

Monsieur [H] a signé un ‘bon de commande d’un véhicule d’occasion’ avec la SARL Gabrieli Tissedre Automobiles aux termes duquel ladite société se définit comme ‘le vendeur’ du bien,

le bon de commande précité fait apparaître que la SARL Gabrieli Tissedre Automobiles propose une garantie étendue de 12 mois (facturée 65 euros) ainsi que la prise en charge des démarches administratives en ce compris celles relatives à la carte grise (prestation facturée 951,50 euros),

consécutivement à la vente, la société Gabrieli Tissedre Automobiles a établi une facture (référencée n°5920) à l’attention de Monsieur [H] portant les références du véhicule nouvellement acquis sans mentionner l’existence ou l’identité du mandant ni le fait qu’elle intervenait comme mandataire de Monsieur [X],

le bulletin d’adhésion à la garantie complémentaire Opteven a été souscrit au bénéfice de Monsieur [H] par la SARL Gabrieli Tissedre Automobiles lequel s’est identifié auprès de l’assureur comme ‘l’établissement vendeur’ du bien,

le paiement est intervenu à la livraison du véhicule au moyen d’un chèque de banque manifestement destiné au garage Gabrieli Tissedre Automobiles,

la livraison du véhicule a été réalisée par la société Gabrieli Tissedre Automobiles.

Dès lors, la société Gabrieli Tissedre Automobiles, professionnelle de la vente d’automobiles, ne saurait légitimement prétendre qu’elle intervenait comme mandataire et que cette qualité était connue de l’acquéreur, alors-même qu’aucun élément n’objective le fait que l’acquéreur ait eu connaissance de l’existence d’un quelconque mandat entre cette société et Monsieur [X]. Au surplus, il doit être relevé que les démarches administratives (mutation de carte grise) ont été directement effectuées par la SARL Gabrieli Tissedre Automobiles comme en atteste la facture susvisée de sorte que l’information relative à l’identité du propriétaire réel se trouvait en la seule possession du professionnel à qui Monsieur [H] a délégué l’accomplissement des formalités administratives. Au surplus, alors que le mandat confié par Monsieur [X] fixait le prix devant lui revenir à la somme de 16 000 euros, il apparaît que le véhicule a été vendu à Monsieur [H] pour un prix de 17 900 euros (hors accessoires, frais administratifs et garantie complémentaire) de sorte qu’il est manifeste que l’accord sur la chose et le prix a bien eu lieu entre Monsieur [H] et le garage Gabrieli Tissedre Automobiles, ce dernier se comportant ainsi, pour un acquéreur de bonne foi, comme le véritable propriétaire du bien.

Il en résulte que Monsieur [H] est recevable à actionner en garantie des vices cachés la société Gabrieli Tissedre Automobiles laquelle s’est comportée, à son égard, comme le véritable propriétaire du bien.

Cour d’appel de Chambéry, 2e chambre, 29 septembre 2022, n° 20/01394

Les juridictions s’attacheront ainsi à vérifier chaque document même dans l’hypothèse où le professionnel présenterait son intervention comme gratuite pour rendre service…

Responsabilité du mandataire intervenant à titre gratuit

Ce fut par exemple le cas dans une affaire jugée par la Cour d’appel de Besançon en juin 2020 :

A l’appui de son appel, la société TB Autos soutient que le propriétaire et vendeur du véhicule litigieux est M. Le B et qu’elle n’est intervenue à la vente, à travers son gérant M. Z, qu’en qualité de simple mandataire non rémunéré du vendeur auquel elle a rendu service en formalisant une annonce de vente pour son véhicule et en assurant l’intermédiation entre lui et M. X pour finaliser la vente, de sorte qu’aucun lien contractuel n’existe entre elle et ce dernier.

Néanmoins, il résulte des pièces produites par M. X que :

– la vente a été réalisée sur la base d’un bon de commande de véhicule d’occasion passé entre M. X et la SAS TB Autos,

– M. X a versé plusieurs sommes à M. Z par mandat cash et en espèces,

– M. Z a délivré à M. X, notamment le 23 juin 2017, un reçu d’une somme de « 50 euros d’acompte pour le 4 x 4 Land Rover » comportant le timbre de la SAS TB Autos,

– à l’époque de la vente, la SAS TB Autos, créée le 5 avril 2017, avait la qualité de commerçant en automobiles.

En outre, la société TB Autos se borne à procéder par voie d’affirmation pour alléguer qu’elle ne serait intervenue dans la vente qu’en qualité de mandataire à titre gratuit et ne démontre pas avoir, de quelque façon que ce soit, reversé à M. Le B les sommes réglées par M. X, étant, par ailleurs, observé qu’en matière de meubles, la possession vaut titre, de sorte qu’il y a lieu de retenir l’existence d’un lien contractuel entre M. X et la société TB Autos, emportant pour celle-ci les obligations pesant sur le vendeur professionnel.

Cour d’appel de Besançon, 1ère chambre, 23 juin 2020, n° 19/00311

On retiendra donc que les tribunaux vont se pencher sur la documentation établie au moment de la vente et préalablement à celle-ci pour vérifier le statut utilisé par le professionnel pour se présenter à l’acheteur. Si les documents laissent clairement apparaître qu’il s’est présenté comme mandataire, la garantie légale des vices cachés ne pourra pas être mise en œuvre à son encontre. Mais ce n’est pas pour autant que le mandataire défaillant n’engage pas sa responsabilité professionnelle.

Un mandataire dont la responsabilité pourra être retenue en cas de faute de sa part

On pourra pour illustrer les propos tenus ci-dessus se référer à un arrêt rendu par la Cour d’appel de Riom à propos d’un SUV, un NISSAN QASHQAI :

Sur la charge de la garantie légale

C’est par des motifs approprié que le tribunal d’instance, après s’être livré à une exacte analyse des pièces versées aux débats et, en particulier, du mandat de vente consenti par M. C à la société S T et du certificat de cession du véhicule en date du 7 octobre 2013 (pièces n° 1 et 4 de cette société) a retenu que cette société n’est intervenue qu’en qualité d’intermédiaire de vente, simple mandataire et qu’ainsi, n’étant pas devenue propriétaire de l’automobile, elle n’est pas tenue de la garantie légale dont est redevable le vendeur.

Par ailleurs, c’est encore par des motifs pertinents qu’il a retenu qu’en fonction des pièces sus-visées et encore du bon de réservation et du bon de livraison, il ne pouvait y avoir de véritable ambiguïté tant dans l’esprit de M. C que dans celui de M. E quant à la qualité de mandataire et non de vendeur de la société S T et ce, même si elle a reçu le prix de vente dans le cadre de son mandat.

Sur la responsabilité du mandataire

Cette responsabilité est invoquée, sur le fondement contractuel, tant par le vendeur du véhicule défectueux que par son acquéreur.

La société S T, intervenue en qualité d’intermédiaire de vente, n’est pas unie par un lien contractuel à M. E et, à cet égard, c’est à juste titre que le tribunal a considéré que l’acquéreur n’était pas fondé à rechercher la responsabilité contractuelle du mandataire.

En revanche, il résulte des dispositions des dispositions des articles 1991 et 1992, que le mandataire répond des fautes qui lui sont imputables.

Cour d’appel de Riom, 7 septembre 2016, n° 15/01982

On rappellera que repose sur le professionnel de la vente automobile des obligations d’information relatives aux véhicules présentés à la vente. On parle bien sûr des éléments basiques liés à l’identification du bien : marque, modèle, année, motorisation, certificat Crit’Air, kilométrage… Le professionnel de la vente sera également présumé tout connaitre du véhicule qu’il vend. Il pourra donc lui être reproché d’avoir dissimulé une information importante aux yeux de l’acheteur.

Responsabilité du professionnel mandaté par l’acheteur

Le mandataire peut être missionné par le propriétaire du véhicule à la vente (c’est l’hypothèse la plus fréquente) mais également par un consommateur à la recherche d’un véhicule. En règle générale, les professionnels mandatés par des acheteurs sont missionnés pour la recherche de véhicules un peu particuliers.

Tel était le cas dans l’affaire jugée par la Cour d’appel d’Aix en Provence le 10 décembre 2019 avec un consommateur français pour lequel un mandataire avait été débusquer une Jeep Wrangler en Italie « présenté(e) comme mise en circulation en décembre 2009 et ayant un kilométrage de 70 000 kms, au prix de 20 900 euros ».

« Attendu qu’il était apparu (que le véhicule) avait déjà roulé plus de 133 000 kms au 17 décembre 2013 (1 an et demi avant la vente), ainsi que révélé par le carnet d’entretien retrouvé dans le véhicule par le garagiste ayant effectué quelques réparations en août 2016 ;

Attendu que c’est en vain que M. Y X demande que soit prononcée la résolution de la vente et que soit ordonnée la restitution du prix par M. Z A, celui-ci n’étant pas le vendeur et n’ayant pas même la qualité de mandataire du vendeur ;

Attendu, par contre, que l’appelant fait valoir à juste titre que M. Z A a engagé sa responsabilité de mandataire à son égard ;

Qu’en application de l’article 1992 du code civil, le mandataire répond des fautes commises dans sa gestion, sa responsabilité étant appréciée de manière plus rigoureuse lorsque le mandat donné est rémunéré ; qu’il doit, lorsqu’il sert d’intermédiaire dans une opération de vente, remplir une obligation d’information et de conseil ;

Qu’en l’espèce, il est démontré que M. Z A ne s’est pas enquis auprès du vendeur du carnet d’entretien et n’a pas vérifié les mentions qu’il contenait et qui permettaient de constater que le kilométrage figurant au compteur ne correspondait pas à celui enregistré lors de la dernière révision ; que le manquement de M. Z A dans l’exécution de son mandat est donc avéré ; »

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 10 décembre 2019, n° 18/20338

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