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Vices cachés automobiles : quelle valeur pour le rapport d’expertise amiable ?

Vices cachés automobiles : quelle valeur pour le rapport d’expertise amiable ?

En matière de vices cachés automobiles, il y a le droit, il y a aussi et surtout les preuves. Dans de nombreuses affaires, l’évidence d’un grave désordre ou d’une avarie préexistante bien avant la vente sera établie dès les opérations d’expertise amiables. Mais le rapport d’expertise amiable est-il suffisant pour solliciter en justice une indemnisation ou la résolution de la vente ? La jurisprudence et notamment celle de la Cour de cassation a fortement évolué ces dernières années, le point complet avec Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en droit

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Vices cachés automobiles : même une jolie Mercedes R 107 peut parfois dévoiler de vilains dessous lors d’une expertise amiable

Vices cachés automobiles : la charge de la preuve repose sur l’acheteur insatisfait

Les problématiques posées à l’occasion d’un litige lié à une acquisition automobile : vice caché ou violation de l’obligation de délivrance conforme n’échappent pas à la règle : c’est au demandeur de rapporter la preuve de ce qu’il avance.

L’acheteur qui s’estimerait lésé à la suite de l’acquisition d’une automobile, d’une moto, d’un utilitaire encore d’un camion devra rapporter la preuve du défaut, de l’avarie ou du vice dont il se plaint.

Pour ce faire, il ne suffira pas de faire état d’un article paru dans la presse automobile rapportant des cas d’avaries sur telle ou telle motorisation. De même, un ou plusieurs devis établis par des garagistes ne suffiront pas à emporter la conviction du juge.

A lire ou à relire : Vice caché automobile, défaut de conception : suffisant l’article d’Auto Plus pour aller en justice ?

Expertise amiable : prendre les choses dans le bon ordre

Confronté à un véhicule souffrant de différents dysfonctionnements, il sera souvent compliqué pour le profane de mesurer l’ampleur et la gravité des dégâts.

L’expertise indépendante et impartiale pourra permettre d’être rassuré en présence d’un problème mineur ou contraire de réaliser que les soucis ne font que commencer avec un véhicule.

Avec ces éléments, celui qui vient de faire l’acquisition d’un véhicule pourra savoir à quoi s’en tenir et pourra négocier en toute connaissance de cause avec son vendeur.

L’expertise permet également de ne pas réduire à néant les chances de succès d’une éventuelle et parfois nécessaire procédure judiciaire.

En effet le nouveau propriétaire qui confierait son véhicule à différents professionnels de la réparation pour des interventions certaines mineures, d’autres plus importantes, risque de se retrouver en difficulté au moment d’une éventuelle action justice. En effet, si de nombreuses interventions ont déjà été effectuées sur le véhicule, le vendeur et le tribunal pourront s’interroger sur le respect du principe du contradictoire. Un précédent propriétaire ou un constructeur mis en cause sur le fondement de la garantie légale des vices cachés pourra expliquer que rien ne garantit que telle ou telle pièce provient bien du véhicule objet du litige. De même, il pourra être reproché au nouveau propriétaire d’avoir détruit certains éléments de preuve, on pense par exemple à l’huile qui peut faire l’objet d’analyses en laboratoire.

Les opérations d’expertise amiables viseront à la préservation du contradictoire avec notamment l’invitation et même la convocation de toutes les parties à se réunir non pas autour de la table mais autour du véhicule.

Parfois des conclusions nettes et sans bavure d’un rapport d’expertise amiable suffiront à faire entendre raison à un précédent propriétaire ou à un vendeur.

Dans d’autres cas, les opérations d’expertise montreront au contraire qu’un vendeur ou qu’un professionnel de l’automobile intervenu sur le véhicule n’est en rien responsable de l’avarie à mettre sur le coup du sort ou sur le compte d’un facteur extérieur comme l’intervention d’un tiers, l’état de la chaussée, un dégât causé par un animal sauvage… Dans cette hypothèse, les conclusions des opérations d’expertise amiables pourront dissuader un propriétaire malheureux de s’engager dans une procédure judiciaire certainement vouée à l’échec.

Le rapport d’expertise amiable pas suffisant pour obtenir gain de cause au tribunal

La jurisprudence n’a eu de cesse ces dernières années d’évoluer sur cette question. Dès 2012, la Cour de cassation pose le principe que le juge ne peut fonder sa décision sur un seul rapport d’expertise amiable.

si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties

Cour de cassation, Chambre mixte, 28 septembre 2012, 11-18.710

Plus récemment la première chambre civile de la Cour de cassation avait pu à nouveau préciser que :

Vu l’article 16 du code de procédure civile :

Lorsqu’une partie à laquelle un rapport d’expertise est opposé n’a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d’expertise, le juge ne peut refuser d’examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve.

Cour de cassation, Chambre civile 1, 9 septembre 2020, 19-13755

Cette jurisprudence a pu, un temps, laisser penser que les travaux d’expertise amiable menés contradictoirement en présence de toutes les parties pourraient eux permettre au juge de trancher sans avoir à prendre en compte d’autres éléments de preuve. Tel n’est pas le chemin qui a été pris par la jurisprudence désormais établie avec un positionnement partagé par les différentes chambres de la Cour de cassation.

Vu l’article 16 du code de procédure civile :

6. Aux termes de ce texte, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

7. Il en résulte que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence de celles-ci.

8. Pour retenir la responsabilité de l’entreprise D… O… et la condamner à réparation, le jugement rectifié se fonde exclusivement sur le rapport réalisé à la demande de M. J….

9. En statuant ainsi, le tribunal, qui s’est fondé exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix, peu important que la partie adverse y ait été régulièrement appelée, a violé le texte susvisé.

Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 mai 2020, 19-16278 & 19-16279

Dernier arrêt en date, celui rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en décembre 2022 confirme que même si les différentes parties ont assisté aux opérations d’expertise amiable, il est toujours pour le juge nécessaire de s’appuyer également sur d’autres éléments venant corroborer les conclusions de l’expertise. La 2ème chambre civile avait déjà tranché en ce sens dès 2018 (voir : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 septembre 2018, 17-20.099 : Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est fondée exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence des parties, a violé le texte susvisé

Vu l’article 16 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ce texte que, si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties.

5. Pour condamner la société Martinon et son assureur à payer certaines sommes, l’arrêt relève que le rapport d’expertise contradictoire réalisé à la demande de l’assureur de la société [Adresse 4] retient comme cause du sinistre le défaut de protection du mur par la société Martinon après démolition de l’appentis, que le procès-verbal de constats annexé à ce rapport mentionnant cette conclusion a été signé par l’expert mandaté par l’assureur de la société Martinon, et en déduit que celui-ci reconnaît ainsi la responsabilité de son assurée.

6. En statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur un avis technique et son annexe réalisés à la demande d’une partie, sans vérifier s’il était corroboré par d’autres éléments de preuve, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 15 décembre 2022, n° 21-17957

Voir dans le même sens : Cour de cassation, Chambre commerciale, 5 octobre 2022, n°20-18709

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Quels éléments pour corroborer l’expertise amiable ?

La jurisprudence offre de nombreux exemple d’éléments pouvant invoqués devant le juge :

Rapport d’expertise amiable corroboré par des échanges SMS

Cette expertise amiable non contradictoire est corroborée par les SMS échangés par les parties tout de suite après la vente car, en réponse au dysfonctionnement constaté et dénoncé par l’acquéreur par un message antérieur au 8 juillet 2019, le vendeur a proposé le jour même de remplacer le bloc hydraulique de la boîte de vitesse automatique, envisagé que la pompe à eau ait lâché et commandé bloc et turbo dès les 10 et 13 juillet suivants, avant d’offrir de rembourser le véhicule à l’issue des opérations expertales.

La réalité des désordres est donc acquise, de même que leur gravité au regard de l’importance des pièces à remplacer pour le fonctionnement du véhicule, et leur antériorité à la vente puisqu’ils ont été dénoncés dès le lendemain de la vente.

Cour d’appel de Toulouse, 3e chambre, 25 mai 2022, n° 21/02718

Rapport d’expertise amiable corroboré par des courriers du constructeur

les conclusions de ce rapport d’expertise amiable se trouvent corroborées en premier lieu par les courriers qui ont été adressés les 4 février et 28 juin 2021 à Monsieur [P] par la société Automobiles Peugeot intitulés « rappel de sécurité » l’incitant « à prendre contact avec un membre du réseau de réparation Peugeot habilité à cet effet » en l’avisant que les composants du système d’assistance au freinage de son véhicule « pourraient être endommagés par une dégradation de la courroie de distribution » (pièces numéros 10 et 11 du dossier des appelants).

Cour d’appel de Bourges, 1ère chambre, 30 mars 2023, n° 22/00081

Rapport d’expertise amiable corroboré par des articles de presse

Les conclusions de ce rapport amiable se trouvent également confirmées par les termes de l’article paru le 5 avril 2018 dans la revue spécialisée « l’Argus » indiquant notamment « les nouveaux moteurs à trois cylindres 1.0 et 1.2 Puretech qui équipent les Citroën, DS et Peugeot, présentent quelques défauts de jeunesse, notamment la destruction de la courroie de distribution sur les versions turbo de 110 et 130 chevaux (‘) si par hasard le voyant d’huile s’allume sur un des modèles 1.2 Puretech 110 et 130 chevaux produits jusqu’au 5 mars 2017, rien ne sert de contrôler le niveau, l’activation de ce témoin d’alerte est consécutive à la destruction de la courroie de distribution, que les ateliers remplacent, au même titre que le carter d’huile et la pompe à vide » (pièce numéro 5).

Cour d’appel de Bourges, 1ère chambre, 30 mars 2023, n° 22/00081

Mais attention, les juridictions ne se contenteront pas d’un élément non probant comme de simples devis ou des factures qui suffiront pas toujours à démontrer l’antériorité du vice allégué par rapport à la date de vente.

il convient de relever que, d’une part, ces opérations d’expertise ne sont pas contradictoires, d’autant que M. [X] n’y a pas assisté et ne s’y est pas fait représenter et que, d’autre part, M. [D] ne produit devant la cour que des factures diverses de réparations ou d’achats de pièces automobiles, insuffisantes pour démontrer la réalité de l’existence du vice caché antérieur à la vente. De jurisprudence constante, la cour ne peut régulièrement fonder sa décision sur la seule foi d’un rapport d’expertise amiable, y compris lorsque ledit rapport a fait l’objet d’une discussion contradictoire, ce qui n’est, en outre – ainsi qu’il a déjà été dit – pas le cas dans le cadre du présent litige. Dès lors, à défaut de toutes autres pièces permettant de corroborer les conclusions expertales amiables, l’ensemble des prétentions de M. [D] ne peut qu’être rejeté et le jugement attaqué confirmé, par substitution de ses motifs par ceux développés par la cour.

Cour d’appel de Dijon, 2e chambre civile, 15 septembre 2022, n° 20/00308

L’expertise judiciaire : parfois incontournable

Dans bien des dossiers, et ce notamment parce que la valeur du véhicule dépasse un certain montant, le recours à l’expertise judiciaire deviendra incontournable. Cette étape pourra évidemment rallonger la procédure mais il vaut parfois mieux sécuriser au maximum une procédure que de s’exposer au risque d’un éventuel retour à la case expertise ou à celui de l’exercice (nécessaire ou imposé) d’une voie de recours du fait d’une décision critiquable. Il ne faudra pas non plus occulter le fait que dans certains dossiers, une ou plusieurs parties peuvent déployer tous les moyens pour retarder au maximum l’échéance.

Une expertise amiable privée qui peut parfois avoir la même valeur que l’expertise judiciaire

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 est venu modifier les dispositions de l’article 1554 du code de procédure civile qui précisent désormais :

A l’issue des opérations, le technicien remet un rapport écrit aux parties, et, le cas échéant, au tiers intervenant.

Le rapport a valeur de rapport d’expertise judiciaire.

Article 1554 du Code de procédure civile 

Attention ces nouvelles dispositions ne s’appliquent que dans le cadre d’une convention de procédure participative. Dans la pratique, cette procédure n’est aujourd’hui que peu usitée en matière de vices cachés automobiles compte tenu des enjeux, de la nature du litige et des parties en présence qui peuvent avoir des pratiques jusqu’au-boutistes (on pense par exemple à un particulier faussement persuadé de sa bonne foi) ou des considérations dictées par la gestion d’un contentieux de masse (on pense à un constructeur qui ne souhaiterait pas prendre le risque d’une décision défavorable pouvant lui être opposée dans de nombreux autres dossiers).

Le recours aux mesures d’expertise amiable n’interdira pas bien sûr une résolution amiable du litige.

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